De nombreux mythes et légendes se sont construits autour du concept de créativité. Concept nomade appartenant à de nombreuses disciplines (Astolfi, 2008), il devient de plus en plus nécessaire de penser cette capacité transversale dans des épistémologies bien définies et claires pour avoir un impact efficace, efficient et professionnel sur les pratiques d’enseignement/apprentissage et de formation.

Dans une perspective sociocognitive (Bandura, 1986), cet article illustre ce qu’est une pédagogie de la créativité dans l’enseignement/apprentissage. A partir de données qualitatives récoltées durant une recherche longitudinale, il s’agit d’analyser les résultats obtenus dans une classe d’une école professionnelle en construisant le lien entre apprentissage et créativité. Au-delà de ce cas d’école, la réflexion sera ensuite ouverte sur les difficultés et les potentialités de la mise en œuvre d’une pédagogie de la créativité dans l’enseignement professionnel. A partir d’un corpus de données qualitatives, il s’agit de mesurer l’impact d’une pédagogie de la créativité sur : (1) l’apprentissage des élèves et (2) leur créativité.

 

Théorie sociocognitive et créativité: quels enjeux ?

Fondement épistémologique: la causalité triadique réciproque

L’agir professionnel des enseignants reflète souvent leur parcours de formation et, plus précisément, les théories d’apprentissage étudiées au moment où ils ont été formés. Même si ces gestes évoluent et changent avec l’expérience pratique et les formations continues en cours d’emploi, il n’en demeure pas moins que les choix didactiques et pédagogiques reposent sur des fondements théoriques appris. De nombreuses théories psychologiques, comme le béhaviorisme, le cognitivisme, le socioconstructivisme, ont déjà fait leur place au sein de l’école comme théories d’apprentissage (Crahay, 2008). Ces théories se sont intéressées au concept de créativité dans l’apprentissage. Par exemple, du côté béhavioriste, il s’agit d’observer et d’analyser les comportements nouveaux par rapport au stimulus donné et à la réponse enseignée (Craft, 2005). Si l’on s’inscrit dans une approche plus humaniste, le chercheur va s’intéresser en revanche à l’épanouissement harmonieux de la personne en fonction de ses besoins et potentialités. Quant à la psychologie cognitive, elle analyse la mesure de la créativité, mais aussi les processus de divergence (générer le plus d’idées possibles) et de convergence (évaluer ces idées et retenir l’une d’entre elles). Dans une perspective de la psychologie différentielle (Lubart, 2010), une approche plus holistique est privilégiée avec une réflexion sur les facteurs cognitifs, conatifs, émotionnels et environnementaux. Déterminer un ancrage épistémologique est donc fondamental pour poser une définition de la créativité et l’analyser, dans un second temps, sous un angle bien précis grâce à une démarche méthodologique (Capron Puozzo, sous presse, a).

Depuis plus d’une décennie, la théorie sociocognitive (Bandura, 1986) commence à faire son entrée dans les salles de classe et à se construire comme théorie d’apprentissage (Puozzo Capron, 2014a). Elle explique le fonctionnement humain autour de la causalité triadique réciproque (Bandura, 1997-2007) (cf. figure 1): l’individu agit dans une structure interdépendante de trois variables qui sont (1) les facteurs internes (cognitifs, émotionnels, et biologiques), (2) le comportement de l’individu (3) l’environnement. En fonction de la situation, l’impact d’un facteur sur l’autre peut varier et les effets n’ont pas nécessairement une immédiateté temporelle. Contrairement au béhaviorisme, l’impact de l’environnement sur l’individu produit certes une réponse, mais qui est elle-même médiatisée par ses expériences cognitives, émotionnelles et biologiques. De même, le comportement de cet individu a des répercussions sur l’environnement. En situation de classe, l’enseignant est un représentant de l’environnement parmi d’autres et le comportement de ses élèves, en termes d’investissement/désinvestissement dans les apprentissages, de productions réalisées ou non effectuées, de participation active ou passive à la séquence d’enseignement, etc., aura évidemment un impact sur lui. Cette bi/tridirectionnalité a été théorisée en réaction contre le béhaviorisme. Illustrons nos propos par un exemple concret. Un élève qui a obtenu durant toute sa scolarité obligatoire des notes inférieures à la moyenne en français risque de ressentir des émotions de stress et d’angoisse à l’approche de chaque évaluation. Ces évaluations seront probablement le reflet des lacunes qu’il cumule (facteur cognitif). Au niveau physiologique, son stress provoquera peut-être la moiteur des mains, l’accélération du rythme cardiaque, etc. Son comportement pourra varier et être plus ou moins dérangeant pour l’activité de la classe: indifférence, retrait de l’élève ou, au contraire, refus de travailler, manifestations permanentes sans lien avec les apprentissages, violence, etc. Il amènera l’enseignant, en tant que facteur environnemental, à agir en conséquence. Cette interdépendance se manifeste donc entre ces trois variables, mais chaque variable peut avoir des répercussions différées dans le temps.

Dans cette épistémologie, quelle est donc la place de la créativité? Comment la définir? Aujourd’hui, une définition consensuelle de la créativité est «la capacité à réaliser une production qui soit à la fois nouvelle et adaptée au contexte dans lequel elle se manifeste» (Lubart, 2010, p. 10). Dans cette définition, deux concepts-clés désignent une production créative: la nouveauté et l’adaptation. Le premier souligne le fait que le contenu de la production est à chaque fois différent de ce que l’apprenant ou le groupe classe a déjà fait. Le degré de différence peut varier, allant d’« une déviation minime» à «une innovation importante» (Lubart, 2010, p. 10). Le second concept implique que la créativité répond à des contraintes et en contexte de classe, l’enseignant stabilise ces contraintes. Si elle n’est pas adaptée, elle sera perçue comme «étrange» (Besançon & Lubart, 2010, p. 244) ou hors sujet. Pour le contexte scolaire, ce concept confère à la créativité la valeur d’un processus ou d’une performance construit(e)s et réfléchi(e)s pour répondre aux contraintes posées. En effet, il ne s’agit pas de laisser créer une production qui ne soit pas en lien avec les apprentissages en cours. En situation d’éducation, la capacité d’être créatif se développe durant une phase d’apprentissage. On part donc de ce que l’on va enseigner pour potentiellement développer la créativité. Ce qui signifie que tous les contenus d’apprentissage ne s’y prêteront peut-être pas.

Dès lors, située au sein de la causalité réciproque, la créativité (cf.  figure 2):

  1. relève de l’environnement: l’enseignant conçoit un dispositif pour permettre à l’élève de développer sa créativité tout en apprenant;
  2. amène à une production de l’élève (le comportement) qui se traduira en processus[1] ou performances créatif(ve)s;
  3. aura des répercussions sur les facteurs cognitifs (en termes d’apprentissage et de créativité), émotionnels[2] (construction d’émotions et de créativité) et biologiques si le corps intervient également – la créativité corporelle peut également jouer un rôle.

L’objectif est alors de créer une boucle vertueuse où la créativité joue un rôle explicite sur les apprentissages de

 

Facteurs personnels internes

(cognitifs, émotionnels, biologiques)

 

0

 

Comportement                                                                            Environnement

Figure 1. Causalité triadique réciproque (Bandura, 1997-2007).

 

 

Facteurs personnels internes

(cognitifs: créativité cognitive, émotionnels: endocept, biologiques: créativité corporelle)

 

0

 

Comportement                                     Environnement

 (processus créatif ou performance créative de l’élève)                                                          (conception d’un dispositif construit sur une pédagogie de la créativité)

Figure 2. La créativité au sein de la causalité triadique réciproque (Bandura, 1997-2007).

 

L’expérience active de maîtrise ou la réalisation d’une performance créative

Dès lors, comment développer dans un contexte d’enseignement/apprentissage la créativité et les apprentissages des élèves? Quels sont les résultats attendus en termes de créativité et d’apprentissage? Quels dispositifs peuvent mobiliser les facteurs cognitifs, émotionnels et corporels?

Dans le cadre de l’apprentissage, l'expérience active de maîtrise est la réussite d'une performance complexe qui a demandé un certain nombre d'efforts (Bandura, 1997-2007). Elle permet à l’élève de s’approprier l’objet d’apprentissage par une démarche de production. En contexte de classe, cela implique que l'élève maîtrise certains contenus disciplinaires pour réussir des tâches complexes. Il en est de même pour la créativité. En effet, «seul le perfectionnement d’une discipline pouvait donner naissance à des options réellement créatives» (Gardner, 2006-2009, p. 104). Cela signifie qu’il est nécessaire que l’élève maîtrise des contenus fondamentaux pour être créatif. Pour construire un avion, «un inventeur doit connaître la physique, l’aérodynamique et les raisons pour lesquelles les oiseaux ne tombent pas du ciel» (Csikszentmihalyi, 1996-2006, p. 14). La réussite favorise ainsi l’augmentation de la perception que l’élève a de ses compétences. Ces expériences actives de maîtrise participent au développement de l’autorégulation cognitive. Ainsi concevoir et mettre en œuvre une pédagogie de la créativité indui également que la ou les tâches proposées soient suffisamment complexes pour que l’élève propose une solution qui soit «nouvelle» et «adaptée» (Lubart, 2010). Cette complexité se pense donc en tant qu’expérience active de maîtrise où l’élève est mis dans une posture d’auteur qui mobilise et croise différents contenus disciplinaires pour élaborer cette production nouvelle.

Penser la performance créative signifie, en conséquence, de se situer dans l’apprentissage créatif (Craft, 2005) qui permet à l’élève de construire un apprentissage grâce à la créativité. L’apprentissage créatif consiste pour l’élève à construire des compétences grâce à la créativité qui joue à son tour un rôle explicite sur l’acquisition de nouvelles connaissances. Et inversement, ce nouvel apprentissage agit en retour sur la créativité des élèves en contribuant à son enrichissement (Craft, 2005). Le dispositif est clairement complexe dans cette intervention pédagogique et requiert souvent un investissement sur les plans cognitif, émotionnel et conatif (prise de risque et persévérance) (Capron Puozzo, 2014a; Capron Puozzo, 2014a; 2014b). L’apprenant est dès lors mis dans cette posture active de conducteur; le dispositif d’enseignement/apprentissage constitue une passerelle pour lui permettre de s’approprier le savoir (Puozzo Capron & Martin, 2014).

Dans une perspective sociocognitive (Bandura, 1986), une pédagogie de la créativité consiste donc à concevoir et à mettre en œuvre des dispositifs d’enseignement/apprentissage qui favorisent des processus et des performances créatifs par une démarche de production, dans le but de tisser une passerelle entre l’objet de savoir et l’apprenant (Capron Puozzo, 2014a) favorisant ainsi un apprentissage créatif (Craft, 2005) et le développement de la créativité dans le but de favoriser un nouveau rapport au savoir: l’apprenance (Carré, 2005), soit la compétence et l’envie d’apprendre tout au long de la vie

 

Une recherche longitudinale sur la pédagogie de la créativité: vers un apprentissage créatif ?

Contexte, méthode et problématique de la recherche

 

Comment mettre concrètement en œuvre une pédagogie de la créativité et quels sont les résultats qui en ressortent?

Dans le cadre d’une recherche exploratoire de nature qualitative avec une démarche de type observation participante (Becker, 1998-2002), 4 dispositifs créatifs ont été mis en place (cf. tableau 3 en annexe). Des leçons d’enseignement plus traditionnelles étaient menées en parallèle pour permettre aux élèves de s’approprier les savoirs fondamentaux des différents objets. Au niveau méthodologique, cette recherche vise à la fois une démarche fondamentale qui est de comprendre les liens qui se tissent entre, d’une part, la cognition, la créativité et les émotions et, d’autre part, une démarche appliquée qui vise à concevoir, mettre en œuvre et évaluer des dispositifs innovants d’enseignement/apprentissage. Dans cette contribution, l’analyse des résultats se centre essentiellement sur la démarche appliquée, même si certains extraits du corpus permettent déjà de poser quelques prémisses d’une réflexion au niveau fondamental.

Deux dispositifs ont été menés de janvier à mai 2012 dans une classe de 16 élèves (10 garçons/6 filles) (16/17 ans) d’un lycée professionnel à l’Institut Régional Agricole de la Vallée d’Aoste dans le nord de l’Italie. Les deux autres ont été réalisés de février à avril 2014 dans la même classe qui, entre temps, s’était agrandie. 23 élèves (10 filles/13 garçons) ont alors participé sachant que d’autres eux étaient dans une autre classe durant la première prise de données. Il est à noter qu’ils étaient en 5e année, soit l’année de la maturité professionnelle. La recherche a été menée 2 à 3 périodes de 50 minutes par semaine et la discipline est le français langue seconde.

La récolte des données est la suivante:

  1. toutes les séances ont été filmées et les passages significatifs ont été transcrits;
  2. 2 questionnaires à réponses ouvertes en lien notamment avec les émotions, la cognition et la créativité ont été remplis par les élèves durant la 1ère prise de données, ainsi qu’à 2 autres reprises;
  3. 3 tests psychométriques sur le sentiment d’auto-efficacité (Bandura, 1997-2007) et le sentiment d’efficacité créative (Ghafoor et al., 2011; Tierney & Farmer, 2002; Yu, 2013) ont été remplis par les élèves durant la 2e prise de données;
  4. des entretiens aléatoires ont été menés avec les élèves tout au long de la recherche.

 

La problématique de la recherche est la suivante: comment s’imbriquent la créativité, l’émotion et la cognition[3] dans le cadre d’un enseignement/apprentissage structuré autour d’une pédagogie de la créativité? Quels sont les processus cognitifs, émotionnels, conatifs et environnementaux qui sont en jeu? Comment concevoir et mettre en œuvre un apprentissage créatif (Craft, 2005)? Quelles sont les productions effectives?

Dans le cadre de cet article, nous nous intéresserons aux deux dispositifs centrés sur une performance créative: l’un portant sur la francophonie et l’autre sur deux auteurs français du XXe siècle (cf. Tableau 1 et le matériel distribué aux élèves en annexe).

 

Analyse des résultats d’un point de vue qualitatif sur les performances créatives

 

La francophonie: 1e prise de données

 

La consigne du premier dispositif consistait à: 1. choisir un pays francophone 2. effectuer un certain nombre de recherches grâce à des pistes proposées, 3. être créatif pour représenter la culture de ce pays. La contrainte liée à la créativité se situe donc sur le troisième niveau.

Nous présentons le synopsis des performances allant de la moins créative à la plus créative (cf. tableau 1). Dans ce premier dispositif, nous constatons qu’un seul groupe est pleinement dans l’apprentissage créatif (le groupe présentant les Seychelles), deux autres (Cambodge et Guadeloupe) présentent un potentiel et les deux autres sont clairement hors-sujet (le Canada francophone et le Cameroun), non pas en termes de contenus, mais par rapport aux contraintes fixées par le dispositif.

Dans les exposés sur le Canada francophone et le Cameroun, la créativité était détachée de l’apprentissage. En effet, les élèves ont effectué un exposé, puis ont joué une saynète durant laquelle deux personnes s’exprimaient en français canadien et une troisième personne ne les comprenait pas. Pour le Cameroun, les élèves ont, comme le groupe précédent, réalisé un exposé traditionnel, puis ont invité la classe à danser sur une musique africaine. La contrainte (Besançon & Lubart, 2014) d’être créatif en présentant la dimension culturelle du pays a donc été perdue de vue par les élèves. Les performances n’ont été ni nouvelles ni adaptées et l’on ne se situe clairement pas dans l’apprentissage créatif. Ces performances auraient pourtant pu être créatives. Pour le Canada, par exemple, l’exposé pouvait tout à fait prendre une forme traditionnelle, mais les élèves auraient pu imbriquer au bon moment dans le discours des mots issus du français canadien peu accessibles à un Valdôtain. La créativité linguistique aurait permis de mettre en évidence la tension entre la culture canadienne et la culture française dans le domaine de la langue. De même, pour le Cameroun, les élèves auraient pu proposer le scénario suivant: sachant que la culture africaine se base sur une tradition orale, dès le début de l’exposé, la classe aurait pu être invitée à se mettre en cercle et le chef ou les chefs de la tribu aurai(en)t décrit ce pays sous forme d’un récit. Comme la contrainte était de mettre en évidence la tension entre la culture francophone et la culture locale, ce récit aurait pu se focaliser sur la colonisation.

Pour ce qui est du Cambodge, les trois élèves ont joué une émission de télévision durant laquelle deux personnes immigrées du Cambodge parlaient de leur pays et de leur vie. La solution était bien nouvelle, mais elle n’était pas adaptée, car il n’y a pas de lien entre la culture du Cambodge et une émission de télévision. Ce groupe n’a ainsi répondu qu’à une partie de la définition de la créativité (Lubart, 2010), même si le témoignage représente un bon potentiel. Comme le montre le verbatim, la dimension créative est bien dans l’input initial, mais ensuite on passe à un exposé traditionnel:

Claudio: Bonjour à tous. Moi je suis un homme qui habitait au Cambodge. J’ai immigré à Paris en France. J’ai choisi ce pays parce qu’au Cambodge au parle aussi le français. Je connaissais déjà la langue. Le Cambodge est un état, heu, un pays qui se trouve au sud-est de l’Asie et il confine, heu, il est entouré par la Thaïlande, le Vietnam et le Laos. Sa superficie est de 181000 kilomètres carré. Sa capitale est Phnom Penh où il y a 14 millions 700 mille habitants.

Cet extrait montre que le spectateur risque d’oublier très rapidement l’émission de télévision, l’élève passant à une récitation par cœur de données factuelles sur le pays.

Pour l’exposé sur la Guadeloupe, les élèves ont présenté rapidement le pays pour se focaliser dans un deuxième temps sur la fruiticulture. Ils avaient pris des fruits exotiques (mangue, carambole, ananas, papaye, etc.) qu’ils découpaient tout en expliquant leur exploitation. La production est bien nouvelle; le choix de focaliser sur les fruits est une solution adaptée quant au contexte à décrire. Les élèves répondent ainsi à la contrainte posée, même s’il n’y a pas eu d’apprentissage créatif tout au long de l’exposé comme pour le dernier groupe. En effet, dans une performance créative nouvelle et adaptée, l’apprentissage créatif se fait tout au long de l’exposé. Le scénario du dernier groupe, celui des Seychelles, démarre par une présentation dynamique entre deux guides qui accueillent un groupe de touristes (la classe) et se poursuit par la préparation par la troisième élève d’un cocktail de bienvenue au club. La saynète est interactive et se centre sur les points principaux à donner aux touristes comme informations:

Stefano (Guide 1): Bonjour et bienvenue aux Seychelles. Nous sommes vos guides. Nous vous ferons découvrir ce qu’il y a ici, un peu d’histoire, d’économie ou de géographie des Seychelles. Les Seychelles se compose de 115 îles, je pense [il regarde son collègue].

Marco  (Guide 2): Bah oui 115 îles, tu es un guide et tu le sais pas! [rires] C’est un archipel.

[…]

Stefano (Guide 1): Ce n’est pas un pays très riche, car il y a beaucoup de mafia. [Il glisse dans la main du 2e guide un billet qu’il met dans la poche avant de sa chemise] [rire de la classe] C’est pour cela que ce pays n’est pas très riche.

Elle est également emprunte d’humour. Le discours est clairement adapté au public et à l’environnement puisque les élèves ont rendu les informations accessibles. Le choix du club est également adapté pour un pays touristique comme les Seychelles. La contrainte est donc bien respectée.

Lors d’un entretien, une élève du groupe revient sur le processus mené pour réaliser cette performance. Elisa: Notre exposé devait aussi être amusant. Alors nous avons cherché à bien parler pour que les autres soient plus intéressés. Nous avons cherché des mots simples pour nous faire comprendre et pour faire participer toute la classe.

Cet extrait du corpus révèle que la recherche d’un apprentissage créatif requiert:

  1. de la part des élèves une appropriation des contenus. En l’occurrence, ici la culture. Il ne s’agit pas de récolter des informations pour faire un exposé traditionnel, mais bien de réfléchir à comme illustrer et faire comprendre aux autres élèves les caractéristiques de cette culture.
  2. Dans un deuxième temps, les élèves devaient réfléchir en termes de pensée divergente (quelles sont les pistes qui s’offrent à nous et dans lesquelles nous nous percevons compétents?), puis de pensée convergente (retenir la meilleure solution à la lumière de la contrainte posée) (Brown, 2010). Le processus créatif s’effectue après la maîtrise de l’objet (Puozzo Capron & Barioni, 2012).
  3. Enfin, un travail de réécriture des informations qui implique de la persévérance (processus conatif de la créativité), car les informations trouvées ne peuvent être utilisées de manière brute.

 

Tableau 1

Synopsis des performances créatives réalisées en 2012

Pays francophone choisi Contenus d’apprentissage mobilisés Créativité dans l’apprentissage
Le Canada francophone Exposé traditionnel sur le Canada (géographie, culture, etc.) Saynète entre deux clientes qui parlent le français canadien et une serveuse française qui ne les comprend pas. Jeu de quiproquo entre le français de France et celui Canadien.
Le Cameroun Exposé traditionnel sur le Cameroun (géographie, culture, etc.) Les 3 élèves ont invité le groupe à effectuer une danse africaine avec les filles au milieu et les garçons aux extrémités.
Le Cambodge Introduction d’un débat télévisé présentant 2 personnages en provenance du Cambodge. Début d’une histoire fictive, mais l’élève il se met à réciter un texte repris tel quel de sources variées.
La Guadeloupe Exposé traditionnel sur la Guadeloupe (géographie, culture, etc.), mais créativité insérée dans la dégustation de fruits durant la description de ces derniers. Pour ce qui était de la partie des fruiticultures, les élèves avaient apporté des fruits qu’ils décrivaient en les découpant puis en les faisant goûter.
Les Seychelles Apprentissage créatif tout au long de la performance. Seychelles, pays de villégiature, où le public se trouvait projeté dans un club où deux guides décrivaient le pays comme si nous étions des touristes.

 

 

 

Deux auteurs français du XXe siècle, Gide et Céline: 2e prise de données

 

Les résultats du premier dispositif nous ont permis de réguler la 2e prise de données. L’objet d’apprentissage change puisque l’on est dans la littérature (l’étude de Voyage au bout de la nuit de Céline et Les Caves du Vatican de Gide), mais le dispositif reste identique. Dans ce dispositif sur la littérature, 4 groupes devaient traiter des thèmes dans chaque œuvre littéraire (cf. matériel distribué aux élèves en annexe) avec des textes qui mettaient en évidence ces thèmes: (1) une étude comparative entre l’incipit et l’excipit de Voyage au bout de la nuit de Céline et Les caves du Vatican de Gide ;[4]  (2) le style littéraire de Céline à partir des extraits de Voyage au bout de la nuit et sur celui de Gide à partir des extraits des Caves du Vatican; 3) le voyage picaresque dans Voyage au bout de la nuit de Céline; (4) l’acte gratuit et la mise en abyme dans Les caves du Vatican de Gide.

Les premières expériences actives de maitrise réalisées durant la 1ère prise de données ont donc été montrées avant de commencer la seconde. A travers une démarche vicariante[5] (Bandura, 1997-2007) et à partir de l’explicitation aux élèves d’une définition de la créativité (Lubart, 2010), ils ont eu l’opportunité d’observer et d’analyser les performances antérieures pour expliciter l’apprentissage créatif, mais aussi pour tenter d’augmenter le sentiment d’auto-efficacité créatif des autres élèves (Capron Puozzo, 2014b). En effet, l’observation d’une personne (un pair ou un modèle extérieur) peut être une opportunité pour l’élève, qui ne se perçoit pas capable d’être créatif, d’obtenir des stratégies pour l’être. Cela implique une observation très active de la situation durant laquelle l’élève identifie avec l’aide de l’enseignant les caractéristiques d’une production reconnue comme créative (Capron Puozzo, 2014a ; 2014b).

Il s’agissait donc de bien insister auprès des élèves en montrant l’importance de la maitrise de l’objet (Barioni, 2011; 2012), donc des analyses littéraires traditionnelles des textes, avant de se projeter et d’imaginer une performance créative. A plusieurs reprises, la chercheuse insiste sur la nécessité de bien commencer à étudier les textes:

Chercheuse: Dans le cadre de ce travail, être créatif implique d’avoir compris, tout d’abord, le style de l’auteur et dans un deuxième temps, de faire comprendre à vos camarades ce style grâce à la créativité. Quand vous allez préparer ce travail, vous devez donc analyser les différents extraits des textes, dégager les différentes thématiques, comprendre et analyser les extraits pour identifier en quoi ces auteurs ont marqué leur époque. Il s’agit donc de dégager les caractéristiques essentielles du style des auteurs pour penser, dans un deuxième temps, comment représenter ce style de manière nouvelle et adaptée, donc de manière créative.

Entre les 2 dispositifs, une année s’était écoulée. Il était donc nécessaire de revenir sur les performances créatives réalisées par les élèves, et aussi de poser une définition de la créativité comme fil conducteur de l’analyse et des productions. En effet, à l’issue de la première recherche, une élève avait manifesté une difficulté:

Lucia: Nous avons compris ce que n’est pas la créativité, mais nous n’avons toujours pas compris ce qu’est la créativité. L’enseignante a demandé dès lors à la chercheuse de leur fournir une définition. Malgré une réticence initiale à présenter une définition en psychologie de la créativité dans un contexte de classe, la définition de Lubart (2010) a été expliquée dès le début de l’expérience. Elle a constitué le fil rouge tout au long du dispositif: en partant de l’analyse des performances antérieures jusqu’à la mise en place et le feedback des nouvelles performances durant la 2ème prise de données. A chaque fois que les élèves réfléchissaient à des pistes possibles, ils étaient invités à chaque reprise à se poser la question si la production était «nouvelle» et «adaptée» par rapport à la contrainte (la caractéristique des textes qu’ils devaient travailler). Par exemple, le groupe travaillant la mise en abyme chez Gide a proposé à la chercheuse la solution des saynètes; dans l’extrait ci-dessous, la chercheuse leur donne des pistes possibles et les questionne par rapport à la définition de la créativité pour tenter des les faire réfléchir sur la non pertinence de leurs solutions:

La chercheuse: Commettre un acte gratuit, c’est commettre un crime sans aucun motif, il n’y a pas de raison. C’est l’enjeu de cette liberté humaine. Nous, on est libre, mais cette liberté est tournée au sens négatif. Elle est poussée au paroxysme parce qu’il va tuer un homme: j’ai cette liberté de tuer quelqu’un sans aucune raison. Donc il va falloir bien conserver à l’esprit ce qu’est-ce que l’acte gratuit pour réfléchir ensuite sur comment le mettre en scène. L’acte gratuit, c’est commettre un acte grave sans aucun motif sous-jacent à l’acte, mais pour la gratuité de l’acte. Il y a quelque chose d’ignoble et d’illogique. On est libre d’aller jusqu’au bout de son imagination et de sa curiosité sans être identifié pour ce crime. Il n’y a aucun lien entre le criminel et la victime et il ne faut laisser aucun indice. […] Mais votre groupe a un double défi, non seulement de représenter l’acte gratuit, mais aussi la mise en abyme. Vous avez déjà réfléchi à des pistes?

Inaudible élève 3

Chercheuse: Attention, attention, vous êtes en train de reproduire la même erreur que la dernière fois. Vous êtes déconnectés de votre exposé. Là comment montrer l’acte gratuit et la mise en abyme durant votre exposé? Vous devez faire une analyse des extraits et cette analyse doit permettre de comprendre ce qu’est l’acte gratuit et la mise en abyme.

Marie: Oui, mais il représente l’acte gratuit.

Chercheuse: Et comment cet exposé pourra représenter l’acte gratuit et la mise en abyme ? Attention ce ne doit pas être détaché. La créativité doit s’imbriquer dans l’exposé. Votre défi, c’est réfléchir sur comment créer cette imbrication.

Marie: Avec des petits sketches?

Chercheuse: Mais ce sera toujours détaché. Pas de rapport avec l’exposé. La mise en abyme est facilement représentable dans un exposé traditionnel, il faut juste se poser la question du comment lier contenu et représentation.

Enseignante: Je vous l’ai dit que c’était le groupe le plus facile.

Chercheuse: Attention de ne pas déconnecter l’exposé de la créativité, l’exposé de la mise en abyme. La solution que vous me donnez est déconnectée de l’exposé. Donc vous reproduisez la même erreur. Vous devez faire un exposé pour représenter l’acte gratuit et non pas une exposition de ce qu’est l’acte gratuit!

 

Ainsi quels ont été les résultats ?

Le tableau synoptique 2 décrit les différentes performances en allant de la moins créative à la plus créative. La question était de mesurer si les performances étaient nouvelles et adaptées (donc créatives) et permettaient d’apprendre (donc de viser l’objectif de l’apprentissage créatif) (Craft, 2005).

Le premier groupe, le moins créatif, a travaillé sur le style des auteurs et a représenté tel quel le texte. Les élèves ont donc récité les extraits de Gide et de Céline en n’apportant qu’une mise en scène au niveau des décors et des costumes. Dans une telle performance, on n’est pas dans l’expérience active de maitrise, mais dans la restitution d’un texte (Anderson & Krathwohl, 2001): l’objectif est de se remémorer une connaissance, soit ici un extrait de texte, et de le mettre en œuvre. Le choix de la saynète ne mobilise pas la créativité (Puozzo Capron & Perrin, 2014, cf. entretien Aden). Il n’y a aucune place laissée à la créativité puisqu’aucune solution nouvelle et adaptée n’est attendue de la part des élèves. La solution proposée n’est ni nouvelle, ni adaptée à la consigne. Pour être dans l’apprentissage créatif, les élèves auraient pu pour Céline faire un exposé entièrement traditionnel d’analyse littéraire, mais en utilisant un vocabulaire imagé, voire vulgaire, par exemple ces putains d’allitérations qui sont belles comme des rats crevés au bord de la route. Pour ce qui est du style gidien, le musicien du groupe aurait pu tenter de faire passer la tension de l’extrait par le biais de la musique. Par ailleurs, ajoutons que ce groupe est passé en dernier et ils ont eu l’opportunité de voir d’autres performances. L’expérience vicariante (Bandura, 1997-2007) n’a donc pas fonctionné dans ce cas précis. Peut-être que le seul groupe éventuellement plus contraint à utiliser l’art de la scène était celui qui traitait du voyage picaresque (groupe 3). Et encore, le voyage aurait pu être représenté par des dessins. Dans une pédagogie de la créativité, le processus cognitif de compréhension de l’objet d’apprentissage étudié (Anderson & Krathwohl, 2001) se traduit par le passage d’une forme de représentation (le texte) à une autre, que ce soit le dessin ou une autre forme d’art. Si la contrainte pour ce groupe était effectivement plus grande pour le style gidien, les élèves auraient pu très facilement jouer avec la créativité linguistique.

Le 2e groupe a traité le thème du voyage picaresque dans Voyage au bout de la nuit de Céline. Les élèves avaient donc plusieurs extraits qui permettaient de voir le voyage picaresque de Bardamu (en France, en Afrique, aux Etats-Unis, en France). La performance a été plus complexe. En effet, les élèves ont certes reproduit des phrases, mais ont aussi réécrit d’autres passages pour véhiculer le message. Si les choix des décors et de la musique notamment étaient certes très porteurs de sens, cette performance n’a pas été considérée comme un apprentissage créatif puisque le spectateur devait inférer les contenus à partir du décor. Par exemple, les élèves ont joué sur le contraste entre le jour et la nuit grâce à des jeux de lumière.

Le groupe qui a travaillé l’acte gratuit et la mise en abyme chez Gide a finalement choisi de jouer également une saynète. Un dialogue entre 2 jeunes filles qui étudiaient Céline et, simultanément, deux autres élèves mimaient la scène de l’acte gratuit pendant qu’elles explicitaient ce que c’était:

Marie: Aujourd’hui, on doit étudier Gide. Moi, je n’ai pas encore lu la vie, tu l’as connais?

Luana: Oui, il est né en France en 1869 dans une famille XXX et religieuse. […]

Marie: Moi, j’ai pas très bien compris la mise en abyme.

Luana: La mise en abyme, c’est une histoire dans une autre histoire.

Marie: On doit étudier ces textes, tu les as déjà lus et étudiés? Moi, oui, on a deux personnages sur un train: Lafcadio et Fleurissoire.

[Deux autres élèves entrent en scène et s’installent comme dans un train. Ils s’assoient sur 2 chaises et la cabine d’un train est projetée sur le tableau blanc].

Marie: C’est une journée comme les autres, les deux voyagent tranquillement. Puis Lafcadio commence à regarder bizarrement son copain de voyage. Lafcadio est en train de penser comment faire un acte gratuit. Tu sais ce que c’est?

Luana: Non.

Marie: L’acte gratuit, c’est quelque chose qu’on fait sans aucune raison de le faire. Il pense à tuer son copain de voyage et pense à le tuer. Il pense que ce serait une chose bizarre et on pourrait jamais le retrouver, faire un lien entre les deux. Il lit le journal. Puis décide de le faire. Puis il compte 1, 2, 3, 4, 7, 6, 7, 8, 9, 10. Il sort un pistolet et le tue.

[L’élève assis dans le train sort le pistolet et deux coups de pistolet retentissent. L’autre élève tombe à terre].

Au-delà de l’erreur, le meurtrier poussant sa victime du train et ne lui tirant pas dessus, la solution ici est certes nouvelle et met bien en évidence ce qu’est la mise en abyme notamment. Pourtant, est-elle adaptée et donc créative? Le choix des 2 élèves qui étudient n’est pas pertinent, car il n’y a pas de rapport avec l’histoire ou encore le contexte. C’est une excroissance sans rapport avec l’histoire même des Caves du Vatican. Cette excroissance implique que le groupe ne répond pas au concept de l’adaptation. Pour la mise en abyme, les élèves auraient pu éventuellement: (1) faire un exposé traditionnel en illustrant leur analyse littéraire, mais ils auraient pu le filmer et le diffuser, soit simultanément, soit de manière répétée pour les concepts clés sur un ordinateur et le tableau blanc interactif, (2) avoir comme dans un chœur en musique où l’on redit, répète le même texte. La solution aurait bel et bien été nouvelle ET adaptée dans la mesure où ils seraient restés sur l’objet d’apprentissage.

Le dernier groupe, celui qui travaillait l’incipit et l’excipit des œuvres, a proposé une solution nouvelle et adaptée. Le lieu était un café parisien. Chez Céline, tout commence au café et tout se termine au café. Le lieu est donc adapté à l’histoire même et les élèves avaient décoré la salle pour reproduire le contexte (cf. Tableau 2. Photo). La présentation est créative dans la mesure où elle répond à l’une des caractéristiques qui est la nouveauté. En effet, les élèves ont joué la scène d’une discussion entre 4 personnes avec un modérateur qui régulait les échanges. Durant ce débat autour de la qualité et des caractéristiques des deux œuvres les élèves expliquent les concepts tout en essayant de reproduire le style de chaque auteur:

Elena: Ecoutez le début de ce nouveau livre Voyage au bout de la nuit qui est sorti cette année. Ça a débuté comme ça. Moi, j'avais jamais rien dit. Rien. C'est Arthur Ganate qui m'a fait parler. Oh! J’ai kiffé ce livre! C’est, c’est magnifique! Et surtout le début! Ça! Ça! C’est la première fois qu’un auteur parle avec… parle avec un langage comme ça familier de manière directe.

Stefano: Oui tu as raison ! Moi, j’ai adoré la phrase impersonnelle du début.

[…]

Charlotte: Non absolument pas! Je dois m’excuser de ne pas être d’accord avec vous. Une personne s’exprimant de manière vulgaire et grossière avec un style anticonformisme. On ne peut pas. Il ne peut pas être considéré comme excellent. Ah! Et encore moins un écrivain.

Marie-Laure: Calmez-vous les amis! On ne peut pas comparer ces deux auteurs. Gide dit: «La forme est le secret de l’œuvre». Il condamne toute conception esthétique qui privilégie le sentiment, la pensée pour exalter la forme, le style de ses textes. Au contraire, Céline préfère donner plus corps aux émotions et aux sentiments.

Ce groupe a bien suivi la démarche pour mener une expérience active de maîtrise réussie et réalisé ainsi une performance créative proposant une solution nouvelle et adaptée permettant ainsi un apprentissage créatif pour tous. Le contexte est adapté et la forme est nouvelle. Les élèves imbriquent aussi bien des éléments de fiction que des éléments d’analyse textuelle tout en utilisant, pour les partisans de Céline, un langage familier, voire vulgaire.

 

 

Bilan: un apprentissage significatif 

Dans tous les cas d’expérience active de maitrise décrite, que les élèves aient été créatifs au sens de Lubart (2010) ou pas, tous les groupes se sont investis et engagés dans l’apprentissage. Dans les interviews menées en mai, il ressort à chaque fois qu’un tel dispositif leur a vraiment permis de bien distinguer les styles des auteurs. Une élève, Marie-Laure, disait lorsqu’elle étudiait des auteurs, à un mois de la maturité, qu’elle finissait par tout mélanger. Or là, elle arrivait à bien distinguer ces deux auteurs. Cela a été un commentaire très récurrent dans les entretiens:

Marie-Laure: Donc c’est vraiment plus une littérature vivante et pas seulement des textes. Parce que des fois, quand on apprend le style d’un auteur, on le confond avec un autre, ou on est pas sûr parce qu’en les étudiant tous ensemble, on finit par tout mélanger.

Chercheuse: Oui.

Marie-Laure: Et là non, c’est vraiment une séparation parce qu’on a vu d’un côté Gide, puis Céline et on a bien une idée précise de l’un et de l’autre à travers ce travail.

[…]

Par cet heu, c’est cet engagement de ta personne qui est plus important contrairement à quand tu apprends en faisant des analyses de texte. A un moment, quand tu révises, tu ne sais plus qui dit quoi. Les représentations ont bien aidé à distinguer les deux auteurs. Parce que même quand on étudie des auteurs de la même époque, ils ont des idées similaires et… et des fois il faut étudier les différences. Le style de l’époque c’est le même et donc c’est… c’est plus difficile, mais là, en… en voyant notre travail, nous avons étudié les deux auteurs donc on a vraiment vu la différence des deux et j’arrive bien à maitriser les deux.

De tels dispositifs constituent de véritables défis pour les enseignants et permettent de motiver un public à aimer la littérature, même si ces élèves se destinent à travailler dans des contextes professionnels. La créativité constitue bien une passerelle pour motiver les élèves à apprendre.

Quelques mois plus tard, en octobre 2014, nous avons retrouvé certains de ces élèves pour les interviewer et comprendre ce qui était resté de cette expérience. Il en ressort:

Cinzia: C’est une bonne idée, euh, une idée différente pour apprendre. On se voit beaucoup plus si on fait du théâtre par exemple. On se souvient des choses bien importantes qu’on doit étudier. Plutôt que lire sur le livre et puis, se souvenir.

Géraldine: Quand j’ai étudié pour l’examen de maturité, je me rappelais les scènes de mes copains. C’est plus facile que d’étudier sur les livres. Je me rappelais ma production. C’est plus facile de se rappeler des choses , car c’est une expérience différente des autres.

Marie-Laure: C’était pas évident, car on doit tout retravailler, retravailler toutes les informations, les modifier et les personnaliser. Mais c’est beaucoup plus amusant parce que c’est ton texte. Ce n’est pas seulement une connaissance. C’est plus personnel, c’est une très très belle expérience et ceci te reste plus comme souvenir. Cela nous fait réfléchir sur les méthodes d’aujourd’hui. […] Personnaliser! Le fait de rendre l’instruction créative, ça renforcerait l’instruction des élèves.

Des trois entretiens qui ont pu être menés quelques mois après l’expérience, les élèves étant pour certains à l’université et pour d’autres dans le monde professionnel, cette notion d’endocept (Lubart, 2010) émerge des propos des étudiants: les émotions ressenties se sont imprégnées sur les apprentissages de la séquence.

 

Tableau 2

Synopsis des performances créatives réalisées en 2014 allant de la moins créative à la plus créative

Thème 2

Style littéraire de Céline à partir des extraits de Voyage au bout de la nuit et sur celui de Gide à partir des extraits des Caves du Vatican

Description de la performanceReproduction identique du texte de Gide et de Céline. Les deux élèves qui récitaient Céline avaient appris par cœur le texte, les deux élèves sur Gide, lisaient le texte. Seule créativité: le passage entre les 2 auteurs avec une musique d’ambiance pour introduire les textes.Apprentissage créatif?Aucun apprentissage créatif. On est dans la récitation de la scène de théâtre.Thème 3

Voyage picaresque dans Voyage au bout de la nuit de Céline

Description de la performanceLes quatre grandes étapes du voyage de Bardamu ont bien été représentées: 1. la France, 2. l’Afrique, 3. les Etats-Unis, 4. la France. Chaque étape était marqué par: 1. une réécriture des passages significatifs, pour mettre en évidence l’essentiel, 2. des mises en scènes (en termes de décor, lumière et son) différentes.

 

Apprentissage créatif?Les élèves ne pouvaient pas tout représenter. Ils ont dû passer  par:(1) une réécriture du texte, (2) un jeu dans la mise en scène pour véhiculer des éléments (par exemple le bruit dans l’usine à la chaîne était véhiculé par le bruit diffusé durant la récitation, mais sans lien avec le registre du corps).Thème 4

L’acte gratuit et la mise en abyme dans Les Caves du Vatican de Gide

Description de la performanceDeux élèves étudient Gide. Durant les échanges, les élèves étudient l’acte gratuit et la mise en abyme dans cette œuvre. Les autres élèves jouent donc les scènes simultanément.Apprentissage créatif ?L’idée est bien nouvelle, mais elle n’est pas complètement adaptée dans la mesure où cette saynète en soi n’a pas de lien avec l’histoire. Elle aurait pu jouer sur un comique de situation en contextualisant l’étude dans la recherche afin de créer ce double effet de mise en abyme. L’apprentissage est également erroné puisque l’acte gratuit est un meurtre au révolver alors que dans le livre le personnage principal pousse un homme du train.Thème 1

Etude comparative entre l’incipit et l’excipit de Voyage au bout de la nuit de Céline et Les Caves du Vatican de Gide

Description de la performanceLa scène se passe dans un café parisien où 5 personnes discutent sur les deux œuvres. Deux élèves représentent favorablement le livre de Céline et les deux autre de Gide. La cinquième personne est une sorte de modératrice qui tempèrent et nuance les propos.Apprentissage créatif ?Que ce soit dans le langage utilisé (notamment pour les partisans de Céline), dans le choix de la scène (le café, lieu symbolique chez Céline) ou dans le contenu même des interactions (qui proposent clairement des analyses des quatre extraits), les élèves sont clairement dans une démarche d’apprentissage créatif dans lequel ils apprennent tout en proposant une solution nouvelle et adaptée aux contraintes fixées par le dispositif.

 

 

 

Discussion des résultats

 

L’une des conceptions erronées de la créativité est de la réduire à des activités ludiques, aux divertissements ou aux domaines artistiques (Capron Puozzo, sous presse, a). A l’issue de la recherche, il a été précisé aux élèves que la créativité dans l’apprentissage était certes le point central de la recherche, mais qu’à aucun moment il ne leur avait été demandé de réaliser une saynète ou de faire du théâtre. Ce sont les élèves qui l’ont interprété ainsi. En revanche, l’idée récurrente était que la créativité soit imbriquée de manière adaptée dans l’apprentissage afin que le public apprenne. Une maîtrise complète de l’objet d’apprentissage en termes de connaissance et de compréhension est fondamentale. Toutefois, ce n’est pas suffisant. Cette compréhension se traduit à la fois par un travail d’identification des caractéristiques de l’objet, mais aussi et essentiellement par une transformation des textes dans une reproduction différente (Anderson & Krathwohl, 2011) que ce soit le dessin, la peinture, la mise en scène, les technologies, etc. Dans la première prise de données, l’élève qui a bien mentionné la démarche d’apprentissage effectuée pour réaliser une performance reconnue comme créative, a bien verbalisé les stratégies gagnantes pour réussir (Sensevy, 2007). Les élèves ont récolté des informations pour s’approprier l’objet en cherchant à comprendre les caractéristiques essentielles pour rédiger, uniquement dans un deuxième temps, un texte et transmettre les informations non pas sous une forme de lecture de phrases copiées-collées, mais en récitant un texte personnel et personnalisé. Sur le plan cognitif, un travail d’analyse des documents choisis est donc déterminant pour sélectionner les bonnes informations à retenir. Cette analyse n’est évidemment pas suffisante puisqu’il faut ensuite produire un texte qui imbrique pertinemment l’objet de savoir dans la créativité. Quant au contrat didactique (Sensevy, 2007), une telle pédagogie rompt avec les habitus scolaires (le maitre qui enseigne et valide) puisque l’élève devient à la fois constructeur de son apprentissage, mais aussi responsable de celui de ses pairs. Ainsi, l’une des pistes d’amélioration de cette pédagogie est de veiller à être le plus explicite possible sur cette modification des règles (Barioni, 2011) tout en étant conscient de la grande difficulté d’une telle tâche qui impliquant également une réflexion sur la transposition didactique. De plus, en termes de facteur conatif, la prise de risque est effectivement plus grande puisque : (1) au niveau linguistique, l’on augmente la probabilité de commettre des erreurs à l’oral, (2) au niveau intrapersonnel, l’on se met en jeu devant un public.

Par ailleurs, les données de cette recherche questionnent le fait que la créativité ne soit pas un objet d’enseignement au commencement du dispositif. S’il semble évident que dans un contexte de formation des enseignants ou un contexte universitaire d’artistes, de designers, etc., la créativité est un objet de formation qui est théorisé (Terzidis, 2016), la question ne se pose effectivement pas à l’école. Elle est considérée aujourd’hui comme une capacité transversale aux disciplines, donc comme un objectif éducatif (Raynal & Rieunier, 2012). Cependant, vu les difficultés des élèves à entrer dans un processus créatif, n’aurait-il pas été pertinent de leur enseigner quelques facteurs cognitifs de la créativité comme la divergence, la comparaison sélective, la combinaison sélective, etc. (Lubart, 2010)? Le travail d’institutionnalisation de ce que sont ces facteurs cognitifs devient dès lors essentiel pour permettre ensuite aux élèves de s’approprier cette notion. Or, au niveau de l’enseignement, cette piste remet en discussion le statut de la créativité qui se transforme ainsi en une compétence, voire un objet d’apprentissage (Terzidis, 2016). Le débat entre capacité, compétence et performance est complexe. La compétence: «un savoir (ou un mélange de savoirs) en acte […] et qui ne pourra se révéler ou être évalué que dans la pratique du travail ou, du moins dans des situations artificielles» (Van Zanten, 2008, p. 76). Il est en lien étroit avec la performance définie comme «une réussite, un exploit […] la preuve apportée que l’on sait» (Arenilla et al., 2007, p. 64). Arenilla et al. (2007) considèrent que l’association compétence-performance a disparu au profit du concept de compétence uniquement. L’ancrage épistémologique de cet article, la théorie sociocognitive, fait que nous considérons bien la créativité comme une capacité transversale qui se manifeste dans les performances des élèves. Si elle devenait un objet d’enseignement initial, ce statut serait à revisiter et à questionner au sein d’un plan d’études: un objet d’enseignement, oui, mais de quelle discipline ? Sur quels fondements: psychologiques (et donc transversaux) ou disciplinaires?

En ce qui concerne les démarches de recherche annoncées, cette contribution n’approfondit pas la dimension émotionnelle. Si, dans une recherche antérieure (Puozzo Capron, 2014a), nous arrivions à la conclusion que la créativité constituait un levier pour l’apprentissage en tant que facteur développant des émotions positives et non négatives, cette conclusion serait aujourd’hui à revisiter également à la lumière du contexte, de l’environnement (Capron Puozzo, 2015). En effet, dans cette recherche, nous étions à la fois l’enseignante de classe et la chercheuse. Or, dans la recherche menée cette fois-ci, même si l’observation-participante nous a permis d’avoir une posture plus active que passive, nous sommes restée malgré tout la chercheuse externe à l’établissement.

Par rapport au lien entre cognition et créativité, les données qualitatives permettent de mettre en relief que l’imbrication entre les deux est évidente pour les élèves qui ont vécu un apprentissage créatif, que ce soit en expérience active de maîtrise ou par expérience vicariante (Bandura, 1997-2007). Quant à la recherche appliquée, ce que ces résultats qualitatifs révèlent, c’est la complexité: (1) à concevoir un tel dispositif (l’enseignant lambda n’ayant pas eu de formation théorique ne pourra pas le mettre en œuvre), (2) à guider les élèves tout au long du processus créatif, (3) à réaliser un apprentissage créatif qui permet d’apprendre en proposant un produit nouveau et adapté.

 

En guise de conclusion: une pédagogie de la créativité dans l’enseignement professionnel. Quels enjeux?

 

La créativité est devenue un enjeu de la société contemporaine de plus en plus complexe qu’il devient urgent de penser dès les bancs de l’école obligatoire (Taddei, 2009). L’enjeu de préparer l’élève à s’adapter aux changements en s’appropriant de nouvelles connaissances et en cherchant de nouvelles solutions est de taille. L’instruction publique doit s’appuyer sur des fondements théoriques et scientifiques pour développer la créativité au sein des plans d’études tout en collaborant de manière étroite avec les enseignants du terrain. Le rôle des formateurs est tout autant fondamental. A partir d’approches hétérogènes de la créativité, il s’agit non seulement d’accompagner les enseignants dans la transposition didactique, mais aussi de développer la capacité critique à adapter les concepts théoriques en fonction des contenus disciplinaires (Terzidis, 2016). Développer la créativité des futurs enseignants, c’est entrer dans un nouveau paradigme, c’est changer le panorama de l’éducation et construire une école efficiente, efficace et créative, constituée de professionnels capables de chercher des solutions lorsqu’ils sont confrontés à des environnements scolaires différents et parfois très difficiles. Construisons une école créative tournée vers l’apprenance[6] (Carré, 2005) et entrons dans l’air de la créativance (Capron Puozzo, sous presse, b), la compétence et l’envie d’être créatif tout au long de la vie.

 

 

[1] Selon l’approche multivariée de Lubart (2010), les processus cognitifs créatifs sont: (1) la capacité à identifier et redéfinir le problème, (2) l’encodage sélectif, (3) la comparaison sélective, (4) la combinaison sélective, (5) la pensée divergente/convergente, (6) la flexibilité cognitive.

[2] Un dispositif conçu à partir d’un fondement théorique reposant sur la créativité qui vise l’appropriation explicite de connaissances et qui permet de faire émerger des émotions amène à la production de ce que Lubart (2010) nomme un «endocept»: «À chaque concept ou représentation en mémoire sont associés des traces correspondant aux expériences émotionnelles vécues par l’individu» (p. 59). En effet, lorsqu’une expérience émotionnelle est rattachée à un concept, les deux éléments se retrouvent associés l’un à l’autre et entrent en résonnance. Le «mécanisme automatique de résonance émotionnelle» (Lubart, 2010, p. 59) se déclenche lorsque le concept est réactivé dans un apprentissage ultérieur. Ce facteur émotionnel entre en résonance, car il met en lumière le potentiel de l’émotion sur l’apprentissage et son ancrage dans le long terme. Ainsi, la réactivation d’un concept, appris précédemment dans un tel dispositif, est censée remémorer à l’apprenant la performance par le biais de l’émotion et pouvoir ainsi remobiliser cet apprentissage dans un autre contexte. Il ne s’agirait pas uniquement de la restituer, mais de mobiliser les caractéristiques essentielles de cet objet pour les approfondir. L’on peut faire l’hypothèse que l’apprenant pourra être, par la maîtrise de ce concept, d’autant plus créatif (Puozzo Capron, 2013).

[3] Même si nous considérons comme insécable ces trois concepts dans une pédagogie de la créativité, les contraintes de l’article font que nous ne pouvons analyser toutes les données. Cette contribution se focalise donc sur le lien entre cognition et créativité pour mesurer l’impact sur les apprentissages et la créativité.

[4] L’extrait de Gide n’est pas l’incipit du livre, mais le début du 5e livre des Caves du Vatican.

[5] L’expérience vicariante consiste en l’observation d’une autre personne dans le but de pouvoir ensuite reproduire, par modelage, la même action (Bandura, 19997/2007). Le choix du modèle à suivre relève d’une démarche attentive, car c’est sur lui que les autres se basent. Si le modèle n’y arrive pas, les autres se mettent alors à douter d’eux-mêmes et voient leur sentiment d’efficacité personnelle diminuer. En effet, l’observateur ne copie pas la performance, mais les caractéristiques communes avec le modèle qui laissent croire en des compétences communes pour réaliser ou non la même performance.

[6] L’apprenance est définie comme la compétence et l’envie d’apprendre tout au long de la vie (Carré, 2005).

 

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Annexe

Annexe 1. Synopsis des dispositifs mis en place

Dates Objets d’apprentissage Dispositif créatif Consigne
Janvier-février 2012 L’argumentation Jeux de rôle et exercices de drama pour préparer un débat Sujet: en Italie, pour ou contre l’immigration ?

Les rôles:

a.         Le modérateur qui introduira, animera et conclura le débat (1 élève)

b.         Le groupe: Pour l’immigration (5 élèves)

c.          Le groupe: Contre l’immigration (5 élèves)

d.         Un groupe de témoins composé (5 élèves):

A.     d’un représentant d’une association italienne qui milite et aide les étrangers à s’insérer en Italie

B.     d’un immigré clandestin qui illustrera les conditions précaires de la vie d’une personne sans-papiers

C.     d’un immigré inséré en Italie

D.     d’un représentant de la Lega Nord

E.     du fantôme d’«Hitler»

Mars-avril 2012 La francophonie Performance créative Cette production orale devra permettre à vos camarades de classe d’apprendre à situer géographiquement, historiquement et culturellement le pays que vous avez choisi. Chacun sera donc responsable de l’apprentissage des autres. L’exposé devra durer entre 15 et 20 minutes durant lesquelles chaque élève doit intervenir à temps égal. Toutefois, ce ne sera pas un exposé traditionnel. Il s’agira aussi d’être créatif. La dimension créative pourra s’exprimer comme vous le souhaitez, de manière individuelle ou collective. Nous vous proposons simplement quelques pistes qui ne sont pas obligatoires. La créativité pourra se manifester par : la création d’un objet complexe représentant la culture locale, par la mise en scène d’un chant de la culture, par une œuvre artistique comme une carte heuristique, etc. L’important est que cette créativité soit: complexe, originale, adaptée à la culture que vous allez représenter et qu’elle favorise le processus de compréhension de cette culture.
Février-mars 2014 Les Caves du Vatican de Gide et Voyage au bout de la nuit de Céline Performance créative Effectuer une présentation créative de ces extraits. Pour ce faire, il vous est conseillé durant le travail de groupe: (a) de faire une analyse traditionnelle des extraits, (b) de réfléchir dans un deuxième temps sur la ou les caractéristiques essentielles de ces extraits, (c) de jeter plusieurs idées de représentations différentes de cette caractéristique, (d) de choisir l’idée la plus pertinente.

Ainsi, cet exposé consiste à illustrer une (ou deux) caractéristique(s) littéraire(s) de chaque auteur de manière créative, c’est-à-dire en proposant une présentation qui soit nouvelle et adaptée à ce qui est demandé. Cette dimension créative doit être intégrée dans l’exposé et pas détachée. Elle vise à mieux faire comprendre à vos camarades un point particulier que vous voudriez leur présenter.

Mars-avril 2014  Les Caves du Vatican de Gide et Voyage au bout de la nuit de Céline L’écriture de fiction scientifique (Chartier & Frier, 2009) La fiction scientifique n’est pas une histoire ordinaire. Contrairement à certains écrits plus scolaires, il ne s’agit pas de montrer que vous connaissez par cœur un auteur. Dans cette production, «le texte à produire comporte une fiction (histoire inventée), une narration (situations, personnages fictifs ou mise en scène des protagonistes), et il doit par conséquent distraire le lecteur» (Chartier & Frier, 2009, p. 4). Attention, l’histoire doit être nouvelle. Il ne s’agit donc pas de reprendre la même histoire que celle des œuvres étudiées. En même temps, c’est un récit qui doit permettre au lecteur de comprendre un sujet. Ainsi, vous aurez une consigne vous demandant d’illustrer un thème bien précis des auteurs étudiés. Il faudra donc injecter ce thème à travers votre histoire fictive afin que le lecteur le comprenne. Cette imbrication pourra prendre plusieurs formes: allusions à l’auteur, citations d’extraits des œuvres, reproduction du thème dans votre propre histoire, etc. Il s’agit donc à la fois de faire preuve d’imagination et en même temps d’instruire le lecteur qui vous lira et qui ressentira alors des émotions plus ou moins fortes tout en découvrant l’explication d’un thème.

Vous aurez le droit à tout le matériel nécessaire: extraits, photocopies, notes prises durant les exposés.

 Tableau 3. Synopsis des dispositifs mis en place

 

Annexe 2. Matériel distribué aux élèves : fiche sur la francophonie

1

 

2

 

 

3

 

 

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