Vol. 21, n. 4, novembre 2022

PROSPETTIVE E MODELLI INTERNAZIONALI

Promuovere la resilienza degli studenti con disabilità intellettiva nel passaggio all’età adulta

Uno studio sul campo

Francine Julien-Gauthier1, Chantal Desmarais1, Steve Jacob1, Sarah Martin-Roy2, Marie Grandisson1, Marie-Ève Lamontagne1 e Marie-Catherine St-Pierre1

Sommario

Il passaggio all’età adulta è una sfida importante per gli studenti con disabilità intellettiva, con implicazioni per tutta la loro vita personale, familiare e sociale. Per ottenere una partecipazione sociale ottimale, questi studenti hanno bisogno di un sostegno pianificato e ben organizzato durante il periodo di transizione. Questo studio mira a identificare e descrivere le pratiche di transizione promettenti per gli studenti con disabilità intellettiva, attuate dal personale della classe e dalle risorse della scuola e della comunità. La ricerca si basa sul quadro concettuale della resilienza in ambito educativo, che si fonda sulla convinzione che sia possibile trovare e mettere in pratica soluzioni per superare le situazioni di avversità (Ionescu et al., 2016). Si tratta di uno studio qualitativo, esplorativo e partecipativo che coinvolge 15 studenti di una classe speciale e i loro operatori scolastici e sociali. Le pratiche educative sono descritte sulla base del quadro teorico di Kohler et al. (2016) che comprende la pianificazione centrata sullo studente, il supporto allo sviluppo, la collaborazione intersettoriale, la struttura del programma e il coinvolgimento della famiglia. I risultati mostrano l’importanza delle attività di apprendimento integrate nella comunità nel sostenere lo sviluppo e la partecipazione sociale degli studenti, nonché il consolidamento delle loro competenze accademiche, sociali e professionali.

Parole chiave

Studenti con disabilità intellettiva, Transizione, Pratiche promettenti, Educazione integrata nella comunità, Partecipazione sociale.

INTERNATIONAL MODELS AND PERSPECTIVES

Promoting the resilience of students with intellectual disabilities in the transition to adulthood

A field study

Francine Julien-Gauthier3, Chantal Desmarais1, Steve Jacob1, Sarah Martin-Roy4, Marie Grandisson1, Marie-Ève Lamontagne1 and Marie-Catherine St-Pierre1

Abstract

The transition to adulthood is a major challenge for students with a developmental disability, with implications for their overall personal, family and social lives. In order to achieve optimal social participation, these students need planned and well-orchestrated support during the transition period. The purpose of this study is to identify and describe promising transition practices for students with developmental disabilities implemented by classroom staff and school and community resources. The research is based on the conceptual framework of resilience in education, which is based on the belief that solutions can be found and practiced to overcome adversity (Ionescu et al., 2016). This is a qualitative, exploratory, participatory study involving 15 students in a special education class and their school and social workers. Educational practices are described using Kohler et al.’s (2016) theoretical framework that includes student-centered planning, developmental support, cross-sector collaboration, program structure, and family engagement. The results show the importance of community-integrated learning activities in supporting students’ development and social participation as well as strengthening their academic, social, and vocational skills.

Keywords

Students with intellectual disabilities, Transition, Promising practices, Community Integrated Education, Social participation.

Introduction

La transition vers la vie adulte représente un grand défi pour les jeunes (16-21 ans) ayant une déficience intellectuelle (Awsumb et al., 2022). Elle correspond à des changements importants qui entraînent des répercussions sur l’ensemble de leur vie personnelle, familiale ou sociale (Ruel et al., 2012). La transition est une démarche itérative et complexe qui implique plusieurs partenaires scolaires, sociaux ou communautaires et dont la réussite se concrétise par l’accès à une vie active après la scolarisation. Une vie active signifie une participation sociale optimale selon le point de vue du jeune adulte, qui lui permet de s’épanouir dans sa collectivité et de réaliser ses aspirations. La participation sociale fait référence : 1) à la participation à des activités significatives dans différents contextes de vie selon l’âge et la culture; 2) à l’établissement et au maintien de relations réciproques avec les membres de la communauté; et 3) à la présence d’un sentiment d’appartenance à des groupes ou à des réseaux sociaux (Rouillard-Rivard et al., 2018). En fait, la participation sociale a le même sens pour les élèves avec ou sans déficience intellectuelle; ce qui les distingue, c’est la nature ou l’intensité du soutien dont ils ont besoin pour réaliser leurs aspirations (Julien-Gauthier et al., 2016; Martin-Roy, 2019).

Pour accéder à une participation sociale optimale, les jeunes ayant une déficience intellectuelle ont besoin d’un soutien planifié et bien orchestré lors de la période de transition (Julien-Gauthier et al., 2021). Une transition planifiée, dans le respect des caractéristiques de l’élève et des milieux con cernés, allie des éléments essentiels, dont une responsabilisation partagée, une qualité des relations lors de cette période et un soutien à l’autodétermination de l’élève pour l’accompagner dans une démarche harmonieuse et concertée (Ruel et al., 2012). Toutefois, les démarches de transition sont peu systématisées au Québec et sont souvent des initiatives personnelles ou régionales, sans leadership désigné (Desmarais et al., 2020; Jacob et al., 2022; Office des personnes handicapées du Québec, 2003). Au Québec, la participation sociale est le but des services scolaires et sociaux offerts aux jeunes ayant une déficience intellectuelle (Gouvernement du Québec, 2017, 2021). Le cadre théorique de la résilience est utilisé dans cette étude en raison des liens étroits entre la résilience et la participation sociale (Rouillard-Rivard et al., 2018), de même que l’autodétermination (Toste et al., 2021; Wehmeyer et al., 2017) et la réussite de la transition vers la vie adulte des jeunes ayant des incapacités (Ionescu et al., 2018).

Cadre théorique et conceptuel

La résilience en déficience intellectuelle

La résilience n’est pas une caractéristique statique, mais un concept interactif qui fait référence à la résistance aux risques environnementaux, au fait du surmonter des situations d’adversité (Rutter, 2006). Elle doit être envisagée dans une perspective de trajectoire de vie et faire référence à la résistance personnelle mobilisée au fil du temps pour surmonter les effets de la tension liée au contexte ou pour récupérer après une exposition à des risques, problèmes ou défis personnels (Kvalsund et Bele, 2010). En déficience intellectuelle, la résilience consiste à présenter le meilleur développement possible face aux adversités particulières qui sont rencontrées dans la trajectoire de vie, et ce, afin de viser le bien-être et une participation sociale optimale (Jourdan-Ionescu et Julien-Gauthier, 2011). Lors de la transition de l’école à la vie adulte, les jeunes ayant une déficience intellectuelle sont confrontés à des situations d’adversité qui risquent de compromettre la réussite de cette étape importante de leur vie (Julien-Gauthier et al., 2018). Bien que reconnaissant les risques ou les difficultés, la résilience est construite sur le positif, sur « ce qui fonctionne », sur la conviction que des solutions peuvent être trouvées et mises en pratique pour surmonter les situations d’adversité (Ionescu, 2018).

La transition de l’école à la vie adulte est une période souvent perçue comme stressante pour les jeunes ayant une déficience intellectuelle et leur famille; ceux-ci doivent quitter leur environnement scolaire familier et sécurisant pour accéder à une vie active à l’âge adulte dans leur communauté, ce qui les rend plus vulnérables au stress et à l’anxiété (Blustein et al., 2016; Williams et Heslop, 2005). Ils éprouvent davantage de difficultés que leurs pairs à réussir cette transition, étant confrontés aux défis de développer de nouvelles relations sociales, d’accéder à un emploi assisté ou compétitif et éventuellement, de vivre de façon autonome (Foley et al., 2012). L’étude de Forte et al. (2011), portant sur la résilience chez les jeunes (17-20 ans) ayant une déficience intellectuelle a examiné leurs inquiétudes au regard de la transition vers l’âge adulte. Celles-ci différaient significativement de celles de leurs pairs sans déficience intellectuelle en termes de type et d’intensité. Ainsi ces jeunes s’inquiétaient surtout de leurs difficultés à se faire des amis, leurs craintes de vivre de l’intimidation ou de perdre des personnes dont ils dépendaient, comme leurs parents. Des entrevues avec des jeunes ayant une déficience intellectuelle ont fait ressortir la pression qu’ils ressentaient face à leurs parents ou aux enseignants, lorsqu’il s’agissant de prendre des décisions relatives à leur avenir (Williams et Heslop, 2005). Le sentiment d’avoir peu de contrôle sur la prise de décision serait exacerbé par la diminution du soutien de leurs amis ou du personnel de l’école et l’effritement de leur réseau de soutien social à la fin de la scolarisation (Raghavan et Pawson, 2008).

Un autre facteur de risque auquel les jeunes adultes ayant une déficience intellectuelle et leur famille sont confrontés lors de la transition vers la vie adulte, est le manque de clarté du parcours et des soutiens accessibles à la fin de leurs études secondaires (Desmarais et al., 2020; Julien-Gauthier et al., 2021). Les changements dans les services de santé et les services de réadaptation (passage du statut d’enfant à celui d’adulte), auxquels s’ajoutent les changements dans les rôles sociaux et le manque de soutien pour les jeunes et leurs parents peuvent avoir un impact négatif sur l’ensemble de la famille (Neece et al., 2009). En raison de la complexité de la démarche de transition et de l’importance des enjeux individuels, familiaux et environnementaux, une intervention écosystémique axée sur la résilience est à privilégier (Jourdan-Ionescu, 2001). Celle-ci est fondée sur la mise en évidence et le développement du potentiel des jeunes et implique la mise en place d’un accompagnement individualisé. Les personnes qui entourent l’élève (famille, intervenants ou membres de la collectivité) peuvent le soutenir dans cet important défi, afin que le processus de transition constitue un réel tremplin vers l’avenir. Cet accompagnement vise à diminuer l’impact des facteurs de risque, tel que mentionné plus tôt et à mettre en place ou consolider des facteurs de protection individuels, familiaux et environnementaux (voir Figure 1). La résilience en éducation se distingue par la nature des défis auxquels sont confrontés les jeunes ayant une déficience intellectuelle, notamment l’acquisition de connaissances académiques, d’habiletés sociales ou de qualifications qui leur permettront d’exercer leur rôle de citoyens à part entière dans leur collectivité (Ionescu et al., 2018).

Figure 1

Facteurs de protection lors de la transition vers la vie active de jeunes ayant une déficience intellectuelle (Adapté de Jourdan-Ionescu (2001) et Ionescu (2018).

Problématique

Pour les jeunes adultes ayant une déficience intellectuelle, l’accès à une participation sociale optimale après la scolarisation implique de nombreux enjeux. Ceux-ci peuvent être regroupés en défis personnels, familiaux ou environnementaux, dont les principaux sont énumérés ci-dessous.

Sur le plan personnel, ces jeunes doivent composer avec les caractéristiques associées à leur condition, dont un fonctionnement intellectuel sous la moyenne, des difficultés d’attention, des déficits dans le traitement de l’information, des problèmes de communication et d’interaction sociale et des difficultés de transfert et de généralisation des apprentissages, auxquelles peuvent s’ajouter certaines caractéristiques personnelles (p. ex. tempérament) (Westling et al., 2015). À l’adolescence et plus particulièrement lors de la transition vers la vie adulte, ils ont besoin d’apprendre à se connaître, reconnaître leurs forces, intérêts et besoins (Wehmeyer et al., 2017), le développement de leurs habiletés de communication et d’interaction sociale est un besoin prioritaire (Blustein et al, 2016; Martin-Roy, 2019). Ils ont aussi besoin de développer leur autodétermination afin de s’approprier leur démarche de transition vers la vie adulte (Landmark et al., 2010; Cobigo et al., 2010; Wehmeyer et al., 2017). Sur le plan de la vie active, ils doivent être exposés à une variété de métiers et aux habiletés qu’ils nécessitent afin d’acquérir des habiletés préparatoires au travail et à la vie communautaire (Julien-Gauthier, 2018; Wehman, 2015). L’exploration de différentes options de travail pendant cette période de transition facilite l’identification de leurs intérêts professionnels; chez ces jeunes, la création de liens entre leurs préférences et des occasions de participation sociale qui leur sont accessibles favorise la réalisation de leurs aspirations (Lindstrom et Benz, 2002). Le développement de liens d’amitié notamment avec des pairs sans incapacité permet de soutenir la résilience de ces jeunes en leur offrant un soutien académique et affectif qui encourage leur persévérance scolaire (Lee et al., 2015).

Sur le plan familial, l’importance de l’engagement des parents et du soutien familial pour la réussite de la transition de l’école à la vie adulte est reconnue (Inge et al., 2018; Test et al., 2015). Des attentes élevées des parents en matière d’éducation et d’emploi sont des prédicteurs significatifs de la réussite de l’insertion socioprofessionnelle des élèves ayant une déficience intellectuelle (Mazzotti et al., 2021; Wehman et al., 2015). D’autre part, l’étude de St-Georges (2017) a montré que des comportements de protection ou de surprotection des parents pouvaient constituer un défi. De plus, les parents ont besoin d’informations au sujet des rôles des différents intervenants auprès de leur enfant et d’être accompagnés dans la démarche de transition (Desmarais et al., 2020). Ceux-ci sont à risque de vivre de l’épuisement et plusieurs d’entre eux bénéficient de peu de soutien à l’extérieur de la famille (Petner-Array, 2016). De surcroît, les décisions engageant l’avenir du jeune ayant une déficience intellectuelle sont bien souvent prises par les parents ou des intervenants, avec peu ou pas de consultation ou de participation du jeune aux décisions (Mill et al., 2009; Williams et Heslop, 2005).

Sur le plan environnemental, pour avoir accès à une participation sociale optimale après la scolarisation, les jeunes ont besoin de découvrir différentes occasions de participer à la vie collective, d’expérimenter des activités dans leur ville ou dans leur quartier et d’explorer les possibilités d’accéder à un travail (Lysaght et al., 2009). Dans le milieu scolaire, les programmes doivent faciliter leur participation à la préparation de leur plan d’intervention ou de transition, pour favoriser leur engagement lors de cette rencontre importante pour la planification de leur avenir (Martin-Roy, 2019). La nécessité d’adapter les documents de planification de l’intervention pour faciliter l’expression du point de vue de ces jeunes et de favoriser leur participation aux décisions qui les concernent est reconnue (Goupil, 2020; Julien-Gauthier et al., 2020). Les connaissances des intervenants scolaires, sociaux ou communautaires au sujet du potentiel de ces jeunes sont limitées (Martin-Roy, 2019); ils n’ont pas tous la formation ou l’expérience pour offrir des occasions de travail intégré aux jeunes ayant une déficience intellectuelle (Whittenburg et al., 2019). Dans une recension critique des écrits scientifiques, Bissonnette (2018) a identifié des pratiques prometteuses pour favoriser l’accès de ces jeunes à une vie active après la scolarisation. La connaissance de ces pratiques par le personnel scolaire (p. ex. réalisation de stages en entreprises) et des méthodes d’enseignement optimales en déficience intellectuelle (Gilson et al., 2017) permettrait de rehausser la formation offerte à ces jeunes. D’autre part, la présence de divergences de points de vue entre les différents intervenants ou avec les parents constitue un défi supplémentaire, qui a un impact sur la concertation et la collaboration entre ces acteurs importants pour la réussite de la transition (St-Georges, 2017). Enfin, le manque de structures pour accueillir ces jeunes, le manque d’accessibilité aux services de soutien et le fait que les services disponibles ne correspondent pas aux attentes ou aux besoins des jeunes sont autant de difficultés exprimées par des parents (Michallet et al., 2020).

Cette étude fait partie d’un projet de recherche plus large : « Action concertée : Planifier la transition de l’école à la vie adulte (TÉVA) des jeunes handicapés : quelles sont les meilleures pratiques pour le Québec? » (Desmarais et al., 2020) visant à produire un état des connaissances au sujet des meilleures pratiques de transition école-vie adulte (TÉVA) pour les élèves ayant des besoins particuliers, afin d’outiller les acteurs qui les accompagnent, notamment en répertoriant les meilleures pratiques de TÉVA pour le Québec. La partie de la recherche présentée ici porte sur la description de pratiques de transition prometteuses, déployées dans une classe d’adaptation scolaire auprès d’élèves de 15 à 21 ans ayant une déficience intellectuelle et des problématiques associées. Elle a pour objectifs : 1) d’identifier des pratiques prometteuses mises en place auprès des élèves ayant une déficience intellectuelle pour favoriser la réussite de leur transition vers la vie adulte; et 2) de décrire des pratiques prometteuses mises en place auprès de ces élèves par le personnel de la classe et les ressources du centre de services scolaires. Les pratiques prometteuses sont présentées en s’appuyant sur la Taxonomy for Transition Programming 2.0 de Kohler et al. (2016), appelée la Taxonomie de Kohler dans le reste de l’article.

La taxonomie de Kohler

Le cadre conceptuel de référence retenu pour l’étude de la transition de l’école à la vie adulte des jeunes ayant des incapacités au Québec est la Taxonomie de Kohler pour les programmes de transition/Kohler Taxonomy for Transition Programming (Kohler et al., 2016). [13]. Étant donné l’étendue des mesures de soutien requises et la nécessité de les adapter aux besoins de chaque élève, ce cadre de référence se distingue par sa rigueur, sa souplesse, ses caractéristiques explicites et englobantes (Desmarais et al., 2020). La Taxonomie de Kohler est endossée par le National Technical Assistance Center on Transition aux États-Unis (NTACT, 2020), un organisme de référence en matière de TÉVA. Sa pertinence a également été soulignée dans une méta-analyse récente (Haber et al., 2016). Élaborée à partir de données probantes, cette taxonomie place l’élève au centre de la Transition École Vie Active (TÉVA) et propose cinq catégories de pratiques interreliées et nécessaires à la réussite de la TÉVA telles que présentées dans la Figure 2.

Figure 2

Taxonomie de Kohler pour les programmes de transition (adapté de Kohler et al., 2016).

Au Québec, la Taxonomie de Kohler est en cohérence avec le « Guide pour soutenir la démarche de transition de l’école vers la vie active » (Ministère de l’Éducation et de l’enseignement supérieur, 2018), ce qui confirme sa pertinence pour l’analyse des pratiques éducatives auprès des jeunes ayant des besoins particuliers (dont les jeunes ayant une déficience intellectuelle) dans les milieux scolaires (Desmarais et al., 2020).

Méthode

Type d’étude

L’objectif de cet article est d’identifier et de décrire comment se déploient des pratiques prometteuses de TÉVA, dans une classe qui accueille des jeunes ayant une déficience intellectuelle et des problématiques associées, située dans une ville à l’extérieur des grands centres. Il s’agit d’une étude qualitative, exploratoire et de type participative, qui vise à décrire l’implantation de pratiques de transition prometteuses, avec des jeunes (15-21 ans) ayant une déficience intellectuelle qui fréquentent une classe spécialisée dans une école secondaire. Dans la recherche en déficience intellectuelle, l’utilisation d’une méthodologie qualitative permet d’orienter les travaux vers l’émergence ou la description de stratégies d’intervention plutôt que vers la confirmation d’hypothèses (Petitpierre et Martini-Willemin, 2014).

Participants

Après avoir obtenu les certificats éthiques requis, le recrutement des participants a débuté à l’hiver 2020 (pour l’objectif 1) et au printemps 2022 (pour l’objectif 2). Le contexte de cette étude est une classe spécialisée localisée dans une école secondaire régulière de 1200 élèves de 12 à 21 ans. Cette classe accueille 15 élèves de 16 à 21 ans, ayant une déficience intellectuelle légère à moyenne ainsi que des problématiques associées (p. ex. handicap physique, trouble développemental du langage, épilepsie, etc.). Le personnel de la classe inclut un enseignant, une éducatrice spécialisée et du personnel de soutien. Les élèves peuvent avoir accès, selon leurs besoins, à des ressources de l’école ou du centre de services scolaire. Le comité régional TÉVA a été constitué en 2014 afin de mobiliser les différents partenaires de la région concernés par la transition de l’école à la vie adulte (TÉVA) des élèves ayant des besoins particuliers. Le Comité régional TÉVA est composé de différents représentants des réseaux de l’éducation, de la santé et des services sociaux, de l’emploi et du secteur communautaire. Il est sous la responsabilité d’une gestionnaire du centre de santé et de services sociaux (Blouin, 2016). La perspective de l’enseignant de la classe visée, de même que celles des membres du Comité TÉVA du centre de services scolaire dont l’école fait partie, ont été incluses dans cette étude.

Collecte des données

Pour répondre au premier objectif de la recherche, la collecte de données a eu lieu à l’hiver 2020, dans le cadre de la recherche plus large : « Jeunes handicapés au Québec : vers un modèle optimal de transition de l’école à la vie active » (Desmarais et al., 2020). Les données ont été recueillies lors d’un entretien avec l’enseignant de la classe spécialisée et de la tenue d’un « groupe de discussion focalisé » avec les membres du « Comité TÉVA du centre de services scolaires dont l’école fait partie ». Les données ont été complétées par l’analyse de notes de terrain de chercheurs de l’équipe, de documents fournis par l’équipe d’intervenants auprès des élèves (Labonté et al., 2019) et par le centre de services scolaire (Blouin, 2016), de même que d’informations qui apparaissent sur la page Facebook de la classe, appelée « La relance ».

Pour répondre au deuxième objectif de recherche, la collecte de données a eu lieu au printemps 2022 (délai occasionné par les mesures sanitaires mises en place en raison de la pandémie de COVID-19). Les données ont été recueillies lors d’un entretien avec les deux principaux intervenants de la classe (enseignant et éducatrice spécialisée), d’un « groupe de discussion focalisé » avec les élèves de la classe, d’un entretien téléphonique avec la responsable du comité TÉVA du centre de services scolaire (CSS), d’un entretien téléphonique avec la directrice du centre de formation générale des adultes (CFGAJ) qui est membre du comité TÉVA et des résultats d’une « Grille d’observation de pratiques prometteuses » (instrument élaboré pour la recherche).

Instruments

Les instruments de collecte de données ainsi que le type de participants à chacune des rencontres apparaissent au Tableau 1.

Description des instruments

Le guide d’entretien et de discussion a été élaboré à partir des informations comprises dans la taxonomie pour les programmes de transition (Kohler et al., 2016).

La version « description des pratiques » du guide d’entretien et de discussion comprend le guide initial, auquel s’ajoutent des questions supplémentaires portant sur la description des pratiques mises en place auprès des élèves, afin d’en préciser les caractéristiques et le contexte.

Tableau 1

Instruments de collecte de données et participants.

Instruments

Participants

Nb de

personnes

Guide d’entretien et de discussion (version identification des pratiques)

Enseignant

1

Guide d’entretien et de discussion (version identification des pratiques)

Comité TÉVA du CSSS

9

Guide d’entretien et de discussion (version description des pratiques)

Enseignant et éducatrice spécialisée de la classe

2

Guide d’entretien et de discussion (version description des pratiques)

Gestionnaire du centre de réadaptation et responsable du comité TÉVA

1

Guide d’entretien et de discussion (version description des pratiques)

Directrice du Centre de formation générale des adultes, membre du comité TÉVA.

1

Guide d’entretien et de discussion (version adaptée, FALC)

15 élèves de la classe spécialisée ont participé au groupe de discussion

12

La version « adaptée en français facile à lire et à comprendre (FALC) » est destinée à un groupe de discussion avec les élèves de la classe spécialisée. Les thèmes sont précisés par des illustrations, ils sont présentés visuellement (sur un Tableau blanc interactif [TBI]) et expliqués verbalement par la chercheuse. Les participants sont accompagnés d’une personne de confiance (médiateur), afin de faciliter l’expression de leur point de vue.

Observations structurées réalisées par la chercheuse, appuyée par une grille construite à partir de la « Synthèse des pratiques prometteuses de TÉVA au Québec (Desmarais et al., 2020) qui apparaît à l’Annexe A.

Analyse des données

L’analyse des données a été réalisée à deux moments (à l’été 2020 et à l’été 2022). Lors de la première étape de l’analyse, le verbatim des deux premières rencontres de groupes de discussion a été transcrit et les documents fournis par les intervenants de l’école et par le Centre de services scolaires ont été compilés. Une analyse thématique des groupes de discussion avec le Comité TÉVA et avec les intervenants scolaires a d’abord été réalisée, complétée par l’analyse des documents recueillis. Les données ont été analysées par deux étudiantes au baccalauréat et à la maîtrise en psychoéducation à l’aide du logiciel Nivo. L’analyse des données a permis de dégager plusieurs pratiques prometteuses dans les cinq domaines de la taxonomie de Kohler (2016). D’autres pratiques éducatives ont émergé de manière inductive lors de l’analyse des données, notamment en ce qui a trait aux activités de promotion, d’action communautaire et d’engagement citoyen dans l’école et à l’extérieur de l’école. Les résultats ont été révisés par deux membres de l’équipe de recherche, dont une co-chercheuse.

La deuxième partie de l’analyse des données, portant sur la description des pratiques prometteuses a été réalisée au printemps 2022, un groupe de discussion avec les élèves de la classe et un deuxième avec les intervenants scolaires, auxquels s’ajoutent les informations issues de l’observation de pratiques prometteuses mises en place dans le milieu scolaire et de la compilation d’informations recueillies sur la page Facebook de la classe, pendant les mois d’avril, mai et juin 2022. Deux entretiens téléphoniques complètent ces données, et permettent d’élargir les sources de données en incluant une personne du centre de réadaptation (personne responsable du comité TÉVA) et une personne du centre de services scolaire externe à la classe (directrice du centre de formation générale des adultes, aussi membre du comité TÉVA). Les verbatim de ces rencontres ont été transcrits et les analyses ont été réalisées de la même façon que pour la première partie de l’étude, c’est-à-dire des analyses déductives à partir des domaines de la Taxonomie de Kohler et inductives à partir des verbatim des rencontres avec les participants.

Résultats: les pratiques prometteuses mises en place dans le milieu scolaire

L’analyse des données recueillies lors de cette étude de cas a permis de décrire des pratiques prometteuses mises en place auprès des élèves ayant une déficience intellectuelle. Ces pratiques sont regroupées selon les cinq domaines de la taxonomie de Kohler (2016).

La planification axée sur l’élève

Les participants rapportent que des rencontres annuelles de plan d’intervention sont utilisées comme dispositifs de concertation et de suivi des objectifs de chacun des élèves. Ces rencontres sont planifiées de façon individualisée. Elles sont sous la responsabilité du directeur de l’école, qui les anime. Les parents et l’enseignant participent à la rencontre, l’élève peut être invité par l’enseignant et d’autres personnes peuvent aussi être invitées à y participer selon les objectifs et les moyens envisagés. Toujours selon les participants, la concertation avec les familles est importante et l’ouverture de chacun contribue à soutenir l’élève dans sa trajectoire.

« […] les parents ne se sentent pas menacés par le système, tout le monde était ouvert et la décision finale leur appartenait, tout le monde “ramait dans la bonne direction”, tout le monde avait de l’ouverture » (directeur de l’école).

Les plans d’intervention visent à déterminer les objectifs prioritaires pour l’année scolaire ainsi que les moyens pour les atteindre de même que les personnes responsables. Le suivi de l’état d’avancement des objectifs et des modifications à apporter (ou non) est effectué régulièrement par l’enseignant, en collaboration avec les membres du personnel de la classe. Le réalisme, la faisabilité ou la planification des projets des élèves sont abordés lors de rencontres avec l’élève et ses parents.

« […] on a le plan d’intervention scolaire, qui est fait avec les parents de l’élève et le directeur de l’école qui est là [...] par la suite il y a la TÉVA avec le grand comité, qui a lieu dans la dernière année d’école » (enseignant).

Les élèves ne participent pas de façon systématique à la rencontre annuelle de plan d’intervention. Ils sont invités lorsque les intervenants scolaires jugent que leur présence à la rencontre est pertinente. Bien qu’habituellement, l’élève ne participe pas à cette rencontre, il participe à des activés préparatoires à cette rencontre. Il est encouragé à exprimer son point de vue (ex. échanges et discussions au sujet de ses intérêts ou ses projets) et à faire des choix selon les options disponibles. Toutefois, il y a peu de matériel adapté ou accessible pour faciliter la participation des élèves aux décisions relatives à leur parcours ou pour les aider à s’approprier leur démarche de transition. Ils sont guidés par l’enseignant et les différentes ressources de la classe.

Le soutien au développement de l’élève

Les participants ont rapporté que les apprentissages dans le cadre de la classe visent à accompagner l’élève dans le développement de ses habiletés scolaires, de ses habiletés de travail et de l’acquisition d’habiletés essentielles à la vie adulte. Un enseignant a partagé :

« On fonctionne par projets, dans la classe et dans l’école. Ici le suivi des élèves de la classe dans l’école, ça concerne tout le monde » (enseignant)

Les capacités des élèves sont documentées, de même que leurs intérêts et préférences à travers leur formation et leur participation aux activités de la classe. Les élèves peuvent recevoir de l’aide de professionnels dans l’école ou à l’extérieur de l’école (services de santé) selon leurs besoins (psychologues, psychoéducateurs, travailleurs sociaux, etc.). Le soutien de professionnels est cependant limité et n’est pas toujours accessible comme en témoigne l’extrait suivant :

« Pour les jeunes du secondaire, il n’y a pas d’orthophoniste dans l’école. Ils doivent faire une demande aux services de santé » (éducatrice spécialisée).

Les élèves sont invités à participer à l’ensemble des activités de l’école, selon leurs intérêts, leurs aptitudes et leur disponibilité. Ainsi plusieurs d’entre eux participent à des activités parascolaires : atelier de théâtre, séances d’entraînement, activités sportives, groupe d’entraide des ambassadeurs, etc. L’enseignant et l’éducatrice spécialisée informent les élèves des activités parascolaires qui sont offertes, ils les encouragent à participer avec les élèves du secteur régulier et leur offrent du soutien.

« Moi pendant l’année, je fais du cheerleading le soir après l’école, deux fois par semaine, je fais partie de l’équipe de cheerleading avec les autres » (élève 1)

Les participants ajoutent que des activités d’éducation physique et sportive sont planifiées chaque semaine, elles permettent aux élèves de maintenir une bonne condition physique en prévision de leur futur emploi ou de leur participation à la vie communautaire.

Dans le cadre d’un projet d’aide communautaire (PAC),5 les élèves sont initiés à la confection de matériel de décoration ou utilitaire destiné à la vente dans la boutique La Relance.6 L’enseignant indique que cette activité vise le développement de la motricité fine, de la créativité et d’habiletés de travail spécifiques à la fabrication de petits objets utilitaires. La production varie selon les saisons, les événements scolaires ou culturels. Les activités de production comprennent aussi le découpage et la préparation de torchons pour les garages : lors du tri des vêtements destinés à la friperie, les vêtements tachés ou abîmés sont découpés pour produire des torchons à usage unique qui seront par la suite emballés et vendus à des garages.

« Nous, on prend le linge qu’ils nous amènent, on regarde ceux de 100 % coton ouaté et on fait des guenilles pour les garages avec [...] » (élève 3).

La classe spécialisée dispose d’équipements de cuisine qui permettent l’apprentissage de la préparation d’aliments et d’entretien d’une cuisine. Selon l’enseignant, les apprentissages visent entre autres le développement d’habiletés culinaires en prévision de la vie autonome et l’apprentissage d’habiletés préparatoires à l’emploi (p. ex. cuisine ou entretien ménager). Les élèves cuisinent des « muffins santé » et installent des kiosques de vente dans l’école pendant les collations, la pause dîner ou lors d’activités spéciales. Plusieurs apprentissages sont liés aux ateliers de cuisine et aux tâches qui gravitent autour des repas et collations, de même l’entretien des locaux et équipements sont aussi favorables au développement d’habiletés socioprofessionnelles. Lors de ces activités, les élèves peuvent développer ou confirmer leur intérêt à travailler dans le domaine de la restauration ou de la préparation d’aliments (p. ex. travail chez un traiteur).

« On fait de la cuisine, on fait des biscuits […], on peut les vendre après. On n’en vend pas tout le temps, on vend des fois [...] c’est pour attirer l’attention pour que le monde, ils viennent voir la boutique ici […] » (élève 4).

Les élèves sont aussi formés à la vente de produits et au service à la clientèle. Les participants rapportent que ces apprentissages permettent l’acquisition d’habiletés de communication et d’interaction sociale, habiletés essentielles pour travailler dans une entreprise ou un organisme qui offre des services à la population. La boutique La Relance comprend une friperie et une brocante : vêtements usagés, comptoir de jouets d’enfants, jeux de société ou jeux électroniques, livres d’occasion, CD, DVD, etc. Le local comprend un dépôt où les objets, vêtements ou matériels de recyclage sont vérifiés, nettoyés et préparés pour la vente ou la récupération. La vente des produits de la boutique et des canettes récupérées dans l’école sert au financement des activités sportives ou de loisirs des élèves.

« Moi, je travaille à la boutique, je surveille un peu en arrière quand des affaires sont mal placées, fais que moi je les arrange. [...] des fois j’aide le monde, je leur donner des idées, quand ils cherchent je les aide, je peux leur donner des conseils […] » (élève 3).

Le développement des habiletés de travail comprend des contrats de production avec des entreprises, notamment en restauration, pour l’ensachage de produits. Les revenus de ces contrats contribuent également au financement de la participation des élèves à des activités culturelles ou sont utilisés pour acheter du matériel de production.

« On a des petits sacs de plastique, on met des napkins [serviettes], une fourchette et du sel, du poivre dedans, c’est des contrats pour les restaurants, les commandes à l’auto » (élève 4).

Les intervenants de la classe mentionnent qu’ils sont attentifs aux occasions d’intégrer les élèves de leur classe avec ceux de l’ensemble de l’école secondaire. Ils les encouragent à participer aux activités et aux comités mis en place avec d’autres élèves.

« Je travaille avec le Comité de vie étudiante de l’école, avant il n’y avait pas de nos élèves dans ce comité. [...] C’est là que j’ai fait de la place pour un ou deux de mes élèves, il y en a deux cette année [...] » (enseignant).

Sur ce plan, l’enseignant mentionne que pendant la prochaine année scolaire, l’école accueillera davantage d’élèves des troisième, quatrième et cinquième secondaire, dont l’âge se rapproche davantage de celui des élèves ayant une déficience intellectuelle. Les intervenants de la classe ont l’intention d’accroitre les occasions favorisant l’intégration de ces élèves avec ceux des classes ordinaires lors des activités de l’école ou extrascolaires.

« Moi je suis dans le Comité de vie étudiante, moi et Nicole7 on y va avec les autres, pour parler […] pour faire organiser des activités, par exemple l’Halloween. On parle déjà de l’activité de fin d’année avec tout le monde de l’école » (élève 3).

Les initiatives des élèves sont encouragées et selon les intervenants scolaires, leur point de vue est important. Dans la même perspective, le contenu de la page Facebook vise à faire connaître et à mettre en valeur les aptitudes des élèves de la classe, pour les aider à prendre leur place dans l’école et dans la communauté. Les participants mentionnent qu’ils déposent de façon systématique des photos et vidéos des activités de la classe sur la page Facebook : La relance, afin de faire la promotion du potentiel et des réussites des élèves. Les activités de reconnaissance, lorsque les élèves quittent la classe pour intégrer un milieu de travail ou s’engager dans la communauté y apparaissent également, ainsi que des photos traditionnelles (p. ex. des élèves au Bal de finissants de l’école).

« On a fait une parade de mode avec le linge de la friperie, c’était mon idée… on a fait une vidéo de notre parade de mode pour que du monde vienne voir à la friperie. [...] nos cassettes, on les a toutes vendues, mais on a des livres pour enfants à vendre » (élève 2).

Pendant les trois dernières années de scolarisation (18-21 ans), le développement et la consolidation des habiletés de travail est encouragé dans les domaines d’intérêt du jeune et il a accès à des stages de travail dans l’école (p. ex. restauration, entretien ménager, conciergerie, etc.). Ces stages comprennent des activités d’apprentissage d’habiletés de travail dans plusieurs secteurs de l’école. En plus de la formation portant sur différentes tâches du travail d’entretien général, les élèves peuvent y explorer leurs intérêts à travailler dans le domaine de la conciergerie ou de l’entretien ménager dans leur future vie professionnelle. Au Café Terrasse, ils participent au transport de matériel et au rangement des produits sur les tablettes; dans la salle d’entraînement, ils entretiennent les vélos, appareils de conditionnement physique et classent le matériel utilisé par les professionnels, élèves et clients; à la buanderie, ils procèdent au lavage des dossards et autre matériel d’éducation physique, à la cafétéria, ils font l’entretien des tabliers et linges pour la brigade culinaire et participent à différentes activités avec le concierge de l’école.

« […] pour aider le concierge, on va travailler en équipe, on a un chariot comme lui avec les guenilles puis des seaux, moi je lave les fenêtres et Sandrine,8 elle fait les rampes d’escalier » (élève 2).

Les élèves ont aussi accès à des stages de travail à l’extérieur de l’école. L’enseignant les accompagne dans l’exploration de différentes possibilités de travail (p. ex. visites de milieux, stages d’un jour), d’engagement communautaire (p. ex. préparation de matériel dans des organismes ou entreprises). Selon l’enseignant, ces stages visent l’exploration des intérêts professionnels des jeunes, dans la réalisation d’apprentissages de travail dans des milieux accessibles, susceptibles de les accueillir à la fin de leur scolarisation. Ils visent le développement de leur employabilité et leur fournissent des occasions d’accéder à des emplois (à temps complet ou à temps partiel) dans des domaines qui les intéressent. Pour certains des jeunes, les stages ont permis de confirmer leurs choix professionnels.

« Moi je viens à l’école et aussi travailler dans le restaurant, je fais les deux, [...] je prépare des beignets, je fais les tables, je passe un coup de balai, j’ai commencé la caisse, j’apprends encore et je me pratique » (élève 4).

D’autres élèves expriment des projets de travail ou de stage plus difficilement réalisables. Ces projets sont discutés avec les intervenants scolaires et avec leurs parents afin de les amener à envisager des projets plus accessibles ou réalistes.

« Moi, j’aimerais après la Relance, après ça j’aimerais être dans le réseau des sports et comme commentateur sportif » (élève 6).

Des stages d’exploration ou des ateliers ponctuels ont aussi lieu lors d’activités dans la communauté (p. ex. contrat de décoration dans un magasin). Les élèves sont accompagnés par un membre du personnel de la classe dans ces activités visant le développement d’intérêts professionnels et l’exploration de différentes activités de travail dans des entreprises ou des organismes communautaires.

« Après l’école, j’aimerais bien continuer à travailler dans le restaurant ou je fais mon stage […] j’aime bien le monde là […] » (élève 5).

Selon les participants, les activités privilégiées dans la classe mettent en valeur des aptitudes des élèves ayant une déficience intellectuelle et leur engagement dans leur formation scolaire et à l’emploi. Ils illustrent leurs aptitudes et leur volonté de réaliser leurs aspirations dans leur communauté.

Collaboration intersectorielle

Les participants ont indiqué que lorsque l’élève atteint sa dernière année de fréquentation scolaire (habituellement à 21 ans), l’enseignant en informe la direction de l’école. Une rencontre est alors organisée, à laquelle participent l’élève, ses parents, l’enseignant et les partenaires du Comité « Transition école-vie adulte (TÉVA) », comprenant des partenaires scolaires, du réseau de la santé et des services sociaux, des services spécialisés de main d’œuvre et du Centre de formation générale des adultes. Cette rencontre multidisciplinaire et intersectorielle vise à planifier les services et le soutien à apporter au jeune adulte à la fin de la scolarisation.

« On a un tableau des élèves qui auront besoin d’une TÉVA, ça nous permet d’être informés plus tôt, prendre le temps de bien évaluer avec les familles, ça permet aux gens de ne pas être dans la rapidité, de réfléchir à d’autres services qui pourraient être mis en place, de faire preuve de plus de créativité » (responsable du comité TÉVA).

La présence du comité régional TÉVA permet au jeune d’avoir accès à une équipe multidisciplinaire régionale, afin de planifier avec lui et sa famille, la fin de la fréquentation scolaire et l’entrée dans la vie adulte. Le Comité régional TÉVA est sous la responsabilité d’une gestionnaire du CIUSSS et vise à favoriser une participation sociale optimale selon les aspirations de l’élève, ses aptitudes et les ressources disponibles.

« Au début on avait beaucoup de documents, c’était compliqué. Avec la mise en place du comité TÉVA, c’est devenu plus simple, les personnes de tous les secteurs de formation ou de travail sont là, il suffit de se parler et réfléchir ensemble aux meilleures solutions pour l’élève » (éducatrice en employabilité).

« On est tous de la même place, on s’échange nos expertises, on apprend les uns des autres, de nos services, et on réfléchit ensemble : qu’est-ce qu’on pourrait offrir à cet élève après l’école? » (intervenant des services de réadaptation).

Sur le plan local, les participants rapportent que l’enseignant et le personnel de la classe collaborent avec le personnel des services de santé et services sociaux (CIUSSS). Ils mentionnent que plusieurs de ces intervenants sont de précieux partenaires, qui connaissent bien les élèves et leur contexte familial et social. Toutefois, ce ne sont pas tous les élèves qui ont accès aux services du CIUSSS.

« […] il est difficile de garder des services du CIUSSS, ce sont des épisodes [des services] et il faut faire de nouvelles demandes » (éducatrice spécialisée du CLSC).

L’enseignant et le personnel de la classe collaborent aussi avec de nombreux partenaires d’entreprises, d’organismes communautaires, d’associations locales et de citoyens. En collaboration avec leurs partenaires scolaires et sociaux, ils ont tissé un réseau d’entraide entre les élèves, le personnel, les entreprises et les membres de leur collectivité. De ce réseau émergent des possibilités d’exploration du marché du travail dans des entreprises ou organismes du milieu pour la formation au travail des élèves.

Dans une perspective écologique, des activités de récupération et de ramassage sont effectuées avec différents collaborateurs. Ainsi, les élèves procèdent à la récupération de papier dans l’école. Les papiers sont triés et servent à la confection de bloc-notes qui seront vendus par la suite dans leur boutique de La relance. Les papiers confidentiels ou abîmés sont déchiquetés, puis offerts à la Société protectrice des animaux (SPA) pour être utilisés en tant que litière pour certains animaux. Les élèves travaillent également au ramassage de matériel et la Boutique La relance est un point de chute de la récupération de vêtements, livres, jouets et jeux d’occasion, de même que de piles, canettes ou goupilles de plastic.

La récupération de goupilles de plastique est une activité de financement en partenariat avec un organisme d’aide à la fibrose kystique (mucoviscidose) et la récupération de bouchons contribue au financement d’un organisme d’aide aux personnes atteintes de sclérose en plaques. Les élèves, le personnel de l’école et les citoyens apportent le matériel de récupération à la Boutique La Relance et sont accueillis par les élèves. Ceux-ci vont examiner le contenu des bacs, récupérer et répartir le matériel destiné à la revente (p. ex. pour la friperie ou la brocante) ou à la récupération.

« Tout ce que je fais ici, c’est pour travailler l’inclusion au maximum, ici dans l’école et pour plus tard à l’extérieur » (enseignant).

Les participants rappellent que ces activités visent par le fait même à faire la promotion du potentiel des personnes ayant une déficience intellectuelle.

« Ils vont recevoir les personnes qui viennent porter du matériel, ensuite trier tout ça et voir ce qui peut être récupéré » (éducatrice spécialisée).

Toujours selon les intervenants scolaires, le réseau d’entraide développé avec les partenaires, entreprises et organismes de la communauté facilite la réciprocité, dans l’échange de services ou la vente de produits. Il contribue à l’ouverture des membres de la collectivité pour éventuellement développer de nouvelles opportunités de travail, de stages de développement de l’employabilité et des projets communautaires novateurs.

Structure du programme

Tel que souligné dans un récent rapport du Bureau du vérificateur général du Québec (2020) et dans les résultats de la présente recherche, il n’y a pas de programme spécifique à la TÉVA au Québec (Desmarais et al., 2020; Jacob et al., 2022). Néanmoins, les intervenants se réfèrent majoritairement au programme scolaire pour y intégrer des éléments relatifs à la TÉVA.

Les participants ont dès lors rapporté que le programme de formation de l’École québécoise (PFEQ)9 a été adapté par l’enseignant et est appliqué auprès des élèves de la classe. Selon l’enseignant, ce programme a été enrichi en s’inspirant d’autres programmes scolaires. Il comprend des apprentissages scolaires de base, tels la lecture, l’écriture, le calcul, l’écologie, etc. Ces apprentissages scolaires sont réalisés en s’appuyant sur des pratiques éducatives reconnues : enseignement individuel (ex. enseignement structuré individualisé ou enseignement explicite) et formation en petits groupes (équipes de travail). Toujours selon les participants, l’enseignement des matières scolaires est ancré dans des activités concrètes du quotidien (p. ex. écrire un mémo ou prendre un message téléphonique). Les « situations fonctionnelles »10 sont privilégiées, afin de favoriser la participation sociale de l’élève dans sa classe et dans la communauté. Le travail coopératif avec les autres élèves et le personnel de l’école secondaire fournit également une variété d’occasions de mettre en pratique les habiletés acquises en classe (p. ex. habiletés d’interaction sociale, gestion d’un horaire, services à la clientèle).

« Nous avons établi un vrai travail d’équipe entre nous, après discussion nous avons voulu que nos élèves puissent avoir des occasions de développer des habiletés de travail, c’est là qu’on a mis en branle le Projet d’aide communautaire, pour les propulser vers l’autonomie » (enseignant).

Ainsi, le PFEQ adapté est complété par un Projet d’aide communautaire (PAC) appelé « La relance, classe entrepreneuriale » (Labonté et al., 2019), qui contribue à l’établissement d’un réseau d’entraide entre les élèves, les intervenants scolaires, le personnel de l’école et les membres de la communauté (organismes et entreprises). Le PAC s’appuie sur les différentes expériences personnelles et professionnelles des intervenants scolaires et des élèves; il est ajusté et enrichi au fil de son application dans l’école et dans la communauté. Il a pour but de créer un contexte d’apprentissage et de formation au travail intégré dans la communauté, en leur faisant vivre de multiples apprentissages, tâches et activités de travail au-delà d’un enseignement traditionnel (Labonté et al., 2019). Le PAC se distingue entre autres par la mise en place d’une boutique (La Relance) dans l’école, ouverte au public du lundi au vendredi, de 8h30 à 13h. Une page Facebook a été créée, elle permet de diffuser l’information sur le Projet d’aide communautaire et sur les activités de la Boutique La relance.

Engagement de la famille

Les parents des élèves contribuent à la préparation de la rencontre annuelle de planification de l’intervention (plan d’intervention) avec l’enseignant. Ils participent également à cette rencontre, animée par le directeur de l’école et à laquelle participent l’enseignant et d’autres personnes invitées selon le cas. Au cours de l’année, les familles des élèves sont informées par les intervenants scolaires de l’évolution de leurs enfants, elles sont aussi invitées à participer à différentes activités dans le milieu scolaire. Les parents facilitent l’engagement de leurs enfants dans la communauté de différentes façons, ainsi ils les invitent à faire du bénévolat dans des organismes à vocation artistique (p. ex. école de danse) ou sportive (p. ex. Jeux Olympiques spéciaux).

« Moi avec mon père, on fait les Jeux Olympiques spéciaux, lui il est entraîneur et moi je joue au soccer. On a une pratique de soccer ce soir, c’est avec mes cousins, pour être en forme » (élève 5).

Plusieurs parents et personnes de l’entourage des élèves sont actifs sur la page Facebook de La relance et participent à des activités de la classe ou de l’école.

« On veut mettre en place l’an prochain des actions pour travailler encore plus avec les familles, on veut les encourager à s’impliquer avec nous » (enseignant).

L’engagement de la famille est encouragé à travers l’information qui lui est transmise par les intervenants de la classe, l’information à laquelle les parents ont accès par le biais de l’école et de la page Facebook de La relance. Des objectifs de l’équipe d’intervenants de la classe visent à mettre en place des activités pour faciliter l’engagement des parents auprès de leur enfant et de la classe et de favoriser des attentes élevées au sujet de son potentiel et son avenir.

Discussion

La mission de l’école québécoise se divise en trois grandes orientations : instruire (soutenir le développement cognitif et la maîtrise des connaissances); socialiser (apprendre à mieux vivre ensemble) et qualifier (rendre possible le succès scolaire, tout en facilitant l’intégration à la vie sociale et professionnelle) (Ministère de l’Éducation, 2022). Dans cette perspective, les services scolaires et sociaux offerts aux personnes ayant une déficience intellectuelle visent à favoriser une participation sociale optimale dans leur communauté (Gouvernement du Québec, 2017; 2021). Pour ce faire, les résultats de la recherche panquébécoise de Desmarais et al. (2020) ont permis d’identifier des pratiques prometteuses à mettre en place pour faciliter la transition de l’école à la vie adulte des élèves ayant des besoins particuliers. Dans la partie de la recherche présentée ici, les pratiques prometteuses d’une classe spécialisée ayant participé à la recherche sont présentées. Les activités de cette classe se distinguent par leur originalité, leur diversité et leur intégration dans l’école et dans la collectivité. Ces pratiques prometteuses sont discutées ci-dessous en lien avec le cadre théorique de l’intervention écosystémique axée sur la résilience, telle qu’adapté des travaux de Jourdan-Ionescu (2001) et Ionescu (2018) (voir Figure 1). Elles sont regroupées en pratiques éducatives dans la classe, accompagnement et soutien aux familles, de même qu’apprentissages et participation sociale des élèves dans l’école et dans la communauté.

Pratiques éducatives dans la classe

Le plan d’intervention est un outil de planification et de concertation pour guider l’éducation d’un élève ayant des besoins particuliers (Goupil, 2020). Les résultats de cette étude montrent que les plans d’intervention sont préparés par l’enseignant, en collaboration avec l’élève et les personnes de l’entourage concernées (parents, éducatrice spécialisée, travailleur social, etc.). Selon Cobigo et al. (2010), il est essentiel de soutenir l’autodétermination des élèves lors de la transition vers la vie active, en leur donnant l’occasion d’exprimer leurs intérêts et de faire des choix. La préparation du plan d’intervention avec l’élève est ainsi une occasion de discuter des possibilités et des choix qui lui sont accessibles, et soutenir son autodétermination (Martin-Roy, 2019). Le renforcement de l’autodétermination est reconnu en tant que facilitateur de réussite en matière d’éducation, d’emploi et de vie autonome (Mazzotti et al., 2021). Toutefois, les résultats de cette étude montrent que même si les élèves sont encouragés à s’exprimer lors de la préparation du plan d’intervention, ils ne participent pas nécessairement à la rencontre de plan d’intervention. À ce sujet la nécessité d’élaborer des documents « accessibles », faciles à lire et à comprendre, ou sont consignés les engagements pris lors de la planification de l’aide apportée à l’élève est reconnue. Pour ces jeunes, l’accès à des documents d’information accessibles renforce leur pouvoir d’agir (Ruel et al., 2018). Dans le même ordre d’idée, l’utilisation de moyens de communication et d’interaction qui facilitent l’expression du point de vue de l’élève sur des questions qui le préoccupent, favorise sa participation aux décisions qui le concernent (Julien-Gauthier et al. (2020). La carte routière vers la vie adulte, un programme de transition en ligne, comprend de nombreux outils favoriser la participation des élèves ayant une déficience intellectuelle à leur processus de transition vers la vie adulte (Ruel et al., 2012; 2016).

Sur le plan des apprentissages, le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) est appliqué sous une forme adaptée, entre autres par l’ajout d’un Projet d’aide communautaire (PAC) qui contribue à enrichir, diversifier et optimaliser la formation des élèves. L’analyse des activités du programme montre que d’une part, il propose des méthodes d’apprentissage scolaire reconnues, de même que des activités de développement des habiletés de travail dans l’école et dans la collectivité. Les élèves ayant une déficience intellectuelle ont à surmonter de nombreux obstacles pour accéder à une vie active après la scolarisation (Awsumb et al., 2022). Dans une recherche exhaustive auprès d’intervenants scolaires, sociaux et de l’emploi, ces auteurs ont souligné l’ampleur et l’interconnexion des défis auxquels ils sont confrontés. Ils mentionnent que la qualité de la formation offerte à ces jeunes, dont la qualité des partenariats avec la communauté qui ont un impact majeur sur leurs trajectoires.

Dans cette étude, l’adaptation du PFEQ fait en sorte que l’apprentissage de compétences de base (p. ex. lecture, écriture, calcul) est consolidé par leur application concomitante dans des activités concrètes : rédaction de messages, préparation d’étiquettes ou vente de produits, etc. Selon Normand-Guérette (2012), les élèves ayant une déficience intellectuelle apprennent « en contexte » et les apprentissages académiques doivent être ancrés dans des activités significatives et renforcés par des pratiques fréquentes et répétées. De plus, la participation des élèves aux activités du projet d’aide communautaire (PAC) leur fournit de nombreuses occasions de pratiquer des habiletés acquises dans la réalisation d’activités de travail significatives et diversifiées. En étant réalisées en contexte, ces activités les aident à surmonter leurs défis sur le plan du transfert et de la généralisation des apprentissages (Westling et al., 2015). De plus, cette façon de faire permet aux élèves de développer ou consolider plusieurs habiletés essentielles à la vie adulte, dont leurs habiletés à s’affirmer et à développer leur autodétermination. Les élèves doivent être encouragés à s’affirmer et à exprimer leur point de vue, de manière à consolider ces habiletés et être compris par une variété de personnes dans la vie adulte (Martin-Roy, 2019). Ainsi la relation qui s’établit entre le jeune et ses intervenants s’inscrit dans une posture de partenariat et favorise des pratiques émancipatrices en termes d’autodétermination et d’inclusion (Cudré-Mauroux et al., 2020).

Les résultats de cette étude montrent que l’utilisation d’activités en petits groupes avec les jeunes ayant une déficience intellectuelle (p. ex. les équipes de conciergerie) apparaissent riches des points de vue des jeunes, qui peuvent y exprimer leurs intérêts, leurs défis et en discuter avec leurs pairs. S’appuyant sur le fait que le futur travail des jeunes ayant une déficience intellectuelle est susceptible de se réaliser en dyade ou en équipe la plupart du temps, des intervenants scolaires considèrent que les activités de groupe sont nécessaires pour préparer leur avenir (Agran et al., 2016; Schutz et al., 2021). De même, dans une autre étude, les intervenants scolaires sont d’avis que le travail en groupe facilite la compréhension des jeunes qui, en entendant les réponses de leurs pairs, les utilisent comme repères pour mieux comprendre le sujet de conversation (St-Georges, 2017). Cela est cohérent avec les connaissances indiquant que les groupes de parole (Picon, 2009) ou ceux d’éducation à la citoyenneté (Beaudoin et Raymond, 2016), de même que les activités scolaires en petits groupes (Julien-Gauthier et al., 2021) sont autant d’initiatives à favoriser pour soutenir le développement des habiletés de communication et d’interaction sociale de ces jeunes. Au-delà des habiletés d’interaction sociale, les activités de groupe peuvent aussi contribuer au développement des habiletés à se faire des amis et à entretenir des liens d’amitié. Le milieu scolaire est d’ailleurs un contexte favorable pour améliorer les habiletés de communication et d’interaction sociale des élèves, puisqu’ils ont l’occasion d’être en contact avec des jeunes de leur âge et, ainsi, de socialiser et de tisser des liens avec ceux-ci (Rouillard-Rivard, 2016). Les parents et les intervenants scolaires sont conscients de la nécessité de développer ces habiletés et malgré le soutien reçu, des difficultés peuvent persister lors de l’entrée dans la vie adulte (Martin-Roy, 2019; Picon, 2009) et au-delà.

Au nombre des pratiques prometteuses visant à soutenir le développement de l’élève, les participants ont décrit des activités d’éducation physique et sportive contribuant à maintenir une bonne condition physique, en prévision de leur futur emploi ou de leur participation à la vie communautaire. En raison de leur faible niveau d’activité physique et de leurs comportements sédentaires, les personnes ayant une déficience intellectuelle sont à risque d’éprouver des problèmes de santé, notamment l’obésité, le diabète, les problèmes cardiaques ou la dépression (Hsieh et al., 2017). Les résultats de cette étude montrent que les élèves sont encouragés à participer à des activités parascolaires ou communautaires favorisant une bonne condition physique. Selon Iwanaga et al. (2021), les interventions visant à aider les élèves présentant une déficience intellectuelle à adopter des comportements favorables à la santé, telles l’activité physique, peuvent augmenter leur capacité à accéder et à conserver un emploi.

Accompagnement et soutien aux familles

L’étude de Myers et al. (2020) a montré qu’une expérience de travail estival dans la collectivité avait permis d’accroître les connaissances et la motivation de jeunes ayant une déficience intellectuelle. Toutefois dans leur milieu de travail, les mentors ont exprimé des inquiétudes quant au réalisme des projets que ces jeunes envisageaient pour l’avenir. Dans cette étude, les aspirations des élèves et leurs projets sont discutés avec les intervenants scolaires et leurs parents, afin de les amener à une perception juste du marché local de l’emploi et de leurs perspectives de travail à la fin de la scolarisation. Les projets des jeunes évoluent au fil de leur formation et dans une ville à l’extérieur des grands centres comme celle de notre étude, les liens avec la communauté sont importants. Selon Lindsay (2016), ces alliances peuvent même éventuellement contribuer à identifier des options de transport ou favoriser la création de liens avec des employeurs potentiels, ainsi que le développement de possibilités nouvelles de travail ou d’engagement social.

Dans le développement des activités pédagogiques, les intervenants scolaires de l’étude ont mentionné qu’ils souhaitent à court terme, accroitre leur collaboration avec les familles. Ils prévoient des activités visant à encourager davantage la participation des parents et leur engagement auprès de leur enfant et de la classe. La contribution des familles et de leurs réseaux pour aider le jeune adulte à accéder à un travail ou à une activité productive dans laquelle il puisse s’épanouir est reconnue. Leur engagement favorise l’accès et le maintien en emploi, les parents étant en mesure d’aider leur enfant dans ses choix professionnels et dans l’acquisition de connaissances des milieux de travail et des comportements qui favorisent le maintien en emploi (Petner-Arrey et al., 2016). Toutefois, ces derniers auteurs ajoutent que l’engagement des parents peut conduire à une diminution de leur propre réseau de soutien social, d’où l’importance de leur offrir un soutien approprié afin d’éviter l’épuisement ou l’isolement des familles. Il est reconnu que les parents qui ont des attentes élevées envers leurs enfants leur fournissent plus de possibilités, de soutien et qu’ils les encouragent à être plus autonomes (Wehman et al., 2015). L’étude de Trainor et al. (2020) soutient d’ailleurs l’importance d’une gestion de cas individualisée et de la mise en place de soutiens qui tiennent compte de la culture des familles et de leur statut socio-économique. Dans le même ordre d’idées, Morningstar et al. (2018) invitent les enseignants à adopter des pratiques sensibles à la culture des familles, afin de renforcer les partenariats avec les jeunes et leurs familles. Ils soulignent l’importance de percevoir la diversité comme une force et une composante essentielle de la planification de la transition.

Apprentissages et participation sociale des élèves dans l’école et dans la communauté

Les activités de travail des élèves contribuent à faire la promotion de leur potentiel dans l’école, les entreprises et les organismes du milieu de même qu’auprès de la population en général. Ces personnes sont alors à même de constater les qualités et les aptitudes des jeunes ayant une déficience intellectuelle en tant que membres actifs et travailleurs potentiellement contributifs à la communauté (Luecking, 2011). Dans une revue systématique portant sur les meilleures méthodes pédagogiques pour l’enseignement des compétences professionnelles aux élèves du secondaire ayant une déficience intellectuelle, Gilson et al. (2017) insistent sur la nécessité d’intégrer des enseignements réalisés dans la communauté. De plus, la réalisation de travail communautaire supervisé par l’école pendant les études secondaires facilite l’application des connaissances acquises (Daviso et al., 2016).

Pour les élèves ayant une déficience intellectuelle, la participation au PAC leur fournit de multiples occasions d’échanger avec les personnes de la communauté (p. ex. vente d’articles, recueil de matériel) et de développer leurs habiletés de communication et d’interaction sociale. Le développement de ces habiletés favorise leur participation sociale et l’accès à une vie active après la scolarisation (Agran et al., 2016; Martin-Roy, 2019; Wehman, 2013). Les apprentissages académiques et sociaux réalisés lors de leur contribution à la boutique La Relance renforcent également leur participation citoyenne. L’importance de l’engagement citoyen pour le développement d’un sentiment d’appartenance à la communauté est soulignée dans l’étude de Kester et al. (2021), portant sur les pratiques et les programmes de transition efficaces.

Pour offrir aux élèves ayant une déficience intellectuelle des occasions de participer à la vie communautaire, les intervenants scolaires de la classe ont décrit des liens établis avec les organismes du milieu. Selon Haber et al. (2016), les intervenants scolaires devraient accorder une attention particulière au développement de collaborations à l’intérieur et à l’extérieur de l’école pour accroître les occasions d’apprentissage et de participation sociale offertes aux jeunes ayant une déficience intellectuelle. Sur ce plan, les résultats de l’étude de Bumble et al. (2021) montrent que seulement 17,5 % des intervenants scolaires ont établi des liens avec des services ou partenaires de la communauté. Le développement de partenariats fructueux avec des entreprises locales est un processus complexe qui ne suit généralement pas un processus linéaire (Whittenbourg et al., 2019). Ces auteurs ajoutent que le développement de partenariats permet aux intervenants scolaires de créer des opportunités continues de développer des relations au fil du temps, et permet aux jeunes ayant une déficience intellectuelle d’avoir accès à des expériences de travail qu’ils n’auraient pas autrement. Les résultats de l’étude témoignent d’une part, de la force du réseau qui se construit, à partir de l’engagement des intervenants scolaires, favorisant l’accès des jeunes aux ressources de leur communauté.

Test et Fowler (2018), dans une étude portant sur la transition au secondaire en milieu rural, confirment l’importance de services de transition intégrés dans la communauté, afin de faciliter le développement de partenariats avec des entreprises. Les employeurs peuvent ainsi constater les aptitudes des jeunes ayant une déficience intellectuelle, ce qui permet d’atténuer les craintes liées à l’embauche de ces personnes en plus de faire la promotion de leurs capacités, compétences et qualités personnelles comme l’honnêteté, la fiabilité et la ponctualité (Henry et al., 2014; Luecking, 2011). De plus, les jeunes sont exposés à des modèles d’emploi accessibles et ces occasions de travailler et de s’engager dans leur communauté favorisent l’accès à une vie active après l’école (Choiseul-Praslin et McConnell, 2020; Whittenburg et al., 2019). Dans cette étude, des jeunes ont exprimé leur intérêt à poursuivre le travail dans leur milieu de stage à la fin de la scolarisation. D’autres ont évoqué des projets de travail moins réalistes, témoignant de la nécessité de poursuivre le développement de leurs compétences et l’exploration du monde du travail. Dans une étude au sujet du développement de l’employabilité, Carter et al. (2021) indiquent que plus de 90 % des éducateurs spécialisés affirment qu’à la fin de leurs études secondaires, les jeunes ayant une déficience intellectuelle ont besoin d’une préparation supplémentaire pour accéder au monde du travail.

Chaque école et chaque communauté est unique dans ses caractéristiques, ses ressources et ses complexités. Bien que les défis identifiés dans cette étude et les solutions apportés suggèrent un éventail de possibilités, selon Awsumb et al. (2022), chaque école devrait entreprendre sa propre démarche. Une meilleure connaissance de l’environnement social, physique et culturel peut favoriser le développement, l’apprentissage et assurer une participation sociale optimale des élèves ayant une déficience intellectuelle, après la scolarisation. Avec une mobilisation, une planification et un leadership local les élèves, les parents, les enseignants et les organismes peuvent tous travailler ensemble pour constituer une équipe de transition communautaire qui pourrait consacrer du temps à l’identification et à la diminution des obstacles locaux (Povenmire-Kirk et al., 2018). Les travaux de Schultz et al. (2021) suggèrent l’organisation d’événements de « Conversation communautaire », pour réfléchir et améliorer les pratiques de transition en milieu rural. Selon eux, ces événements constituent un moyen pratique, convivial et efficace pour les communautés d’envisager de nouvelles perspectives et d’identifier des solutions locales innovantes pour améliorer les programmes de transition et les résultats pour les élèves ayant une déficience intellectuelle.

Enfin, pour que ces jeunes réussissent leur transition vers la vie adulte, la collaboration au sein du système scolaire et intersectorielle est un élément-clé du processus (Poirier et al., 2020) et en fait, le succès de la TÉVA semble souvent accru par la présence d’une coordination régionale (Jacob et al., 2022). Tel que décrit dans cette dernière étude, le Comité régional TÉVA, sous la responsabilité d’une gestionnaire, facilite la collaboration entre les acteurs lors de la transition de l’école à la vie active des jeunes ayant une déficience intellectuelle. Comme le mentionnent Bumble et al. (2021), le réseau de soutien autour de l’élève inclut un éventail de professionnels des systèmes scolaires, des systèmes de services et des communautés se réunissant dans le cadre d’un « réseau de transition » pour soutenir la démarche du jeune. De même, dans la classe, les résultats de la partie de l’étude qui est l’objet de cet article ont décrit des activités scolaires et sociales d’un projet d’aide communautaire initié par les intervenants scolaires, qui se construit au fil du développement des jeunes ayant une déficience intellectuelle et de leur engagement dans des activités significatives dans leur collectivité.

Les résultats de la présente étude révèlent également des défis sur le plan de la participation concrète des élèves dans les décisions relatives à leur parcours de transition. Ils soulignent la nécessité de disposer de matériel adapté favorisant l’appropriation de leur démarche et l’engagement des jeunes vers l’atteinte de leurs objectifs de vie active. D’autre part, les jeunes ayant une déficience intellectuelle ont besoin de soutien toute leur vie et les parents sont une précieuse source de soutien. Ainsi l’information et la collaboration avec les familles sont à développer, afin de renforcer les liens école-famille-communauté dans cette période déterminante pour leur avenir. La nécessité de poursuivre le développement de l’éducation intégrée à la communauté ressort également des résultats de l’étude, dans la création d’occasions de développement et de participation sociale pour tous les élèves et l’ouverture de la communauté.

Cette étude comporte des limites, ainsi le nombre restreint de participants réduit le potentiel de généralisation des résultats. La pandémie de COVID-19 a fait en sorte que la deuxième collecte de données a été retardée de deux ans, ce qui a pu avoir un impact sur la cohérence des résultats. Également, il faut tenir compte de l’hétérogénéité des participants à l’étude, bien qu’il s’agisse d’une caractéristique des jeunes adultes ayant une déficience intellectuelle (Westling, 2017), à laquelle s’ajoute la présence chez plusieurs d’entre eux de problématiques associées.

D’autres recherches sont nécessaires pour améliorer la formation des jeunes ayant une déficience intellectuelle, favoriser le changement dans les mentalités vers une société plus inclusive et leur faciliter l’accès à un travail productif dans leur collectivité.

Comme le mentionnent Cook et Odom (2013, p. 137), « aucune pratique ne fonctionne pour chacun des élèves; c’est une réalité de l’éducation ». Ces jeunes ont un potentiel et une volonté de contribuer à la société, ils doivent avoir accès à une éducation qui s’appuie sur les données de la recherche et des occasions de développer leurs habiletés de travail dans des milieux qui leur offrent un accueil chaleureux et une formation pratique. Les intervenants scolaires les aident à surmonter les défis de la transition vers la vie adulte sur le plan personnel, familial et environnemental à travers leur participation au développement et à la consolidation d’un réseau communautaire dont font partie les élèves et leur famille. Ils contribuent à changer les mentalités, par le partage d’informations et d’histoires de réussite (Awsumb et al., 2022).

Conclusion

Les résultats de cette étude illustrent la pertinence de la taxonomie de Kohler et al. (2016) dans le contexte de la transition de l’école à la vie adulte des élèves ayant une déficience intellectuelle ainsi que l’importance que les pratiques soient appuyées par les données de recherche, dont des activités d’apprentissage intégrées dans la communauté. Elles permettent de soutenir le développement et la participation sociale des élèves ayant une déficience intellectuelle ainsi que la consolidation de leurs habiletés scolaires, sociales et professionnelles (Schultz et al., 2021). En fait, il n’existe pas de parcours de développement « idéal » unique pour tous les jeunes ayant une déficience intellectuelle, mais plutôt de multiples parcours vers un développement sain, vers l’apprentissage d’habiletés favorisant leur résilience et la réussite de leurs projets (Julien-Gauthier et al., 2021). Ces parcours doivent être construits avec les élèves, leur famille et les membres de leur collectivité, afin de bien les préparer pour une vie adulte productive et épanouie, gage d’une bonne santé physique et mentale (Lysaght et al., 2009).

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1 Université Laval, Québec.

2 Université du Québec.

3 Université Laval, Québec.

4 Université du Québec.

5 Le projet d’aide communautaire (PAC) est décrit à la section 4 : Structure du programme.

6 La mise en place de la boutique « La Relance » est décrite à la section 4 : Structure du programme.

7 Prénom fictif.

8 Prénom fictif.

9 Le PFEQ est appliqué aux élèves qui fréquentent l’école secondaire. Il a pour mission « d’instruire dans un monde du savoir, de socialiser dans un monde pluraliste et de qualifier dans un monde en changement », http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/jeunes/pfeq/PFEQ-tableau-synthese-secondaire-cycles-1-et-2.pdf (p. X)

10 Une « situation fonctionnelle » se définit comme une tâche qu’une ou un adulte doit faire régulièrement ou occasionnellement dans sa vie quotidienne. Celle-ci lui permet d’être autonome, de bien fonctionner dans la société. La réalisation d’une situation fonctionnelle nécessite un ensemble d’habiletés cognitives (le savoir), affectives (le savoir-être) et psychomotrices (le savoir-faire) (Ministère de l’éducation, 1996). Dans le cadre de la classe spécialisée, elle fait référence à des ateliers de cuisine, de planification d’activités de travail ou d’activités sociales, gestion d’agenda, recherche d’informations sur le web ou dans les journaux locaux, expression du point de vue du jeune, rédaction du curriculum vitae, etc.

Vol. 21, Issue 4, November 2022

 

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